18 L’emprunt d’information

     

L’emprunt d’information (historical data borrowing ) consiste à enrichir les données apportées par un petit essai randomisé avec davantage de données contrôles empruntés à d’autres sources (historique le plus souvent). Les études de comparaisons externes correspondent à des situations où 100% des données contrôles sont empruntées.

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Figure 12 – Illustration du principe de l’enrichissement du groupe contrôle d’un essai randomisé par un emprunt de données historiques (ligne du milieu) Cette approche se situe entre l’essai randomisé classique (où il n’y a aucun emprunt de données pour le groupe contrôle) et les études de comparaisons externes (où 100% des données contrôles proviennent sont des données historiques).

De nombreuses méthodes statistiques ont été proposées, bayésiennes ou fréquentistes. Leur principe générique est simple. Seront comparés les résultats obtenus dans le groupe traité de l’essai randomisé avec le résultat du « pooling » des données du groupe contrôle de l’essai et les données historiques empruntées (comme si ces données avaient été produites par l’étude elle-même). Ce « pooling » peut être vu comme une méta-analyse des données des groupes contrôles. En bayésien, les données historiques peuvent être utilisées comme apriori informatif pour le groupe contrôle (et un apriori non informatif est utilisé pour le groupe traité). Un paramètre arbitraire règle le poids relatif des données empruntées par rapport aux données du groupe contrôle de l’essai randomisé dans ce « pooling ».

Même si cette approche n’augmente que l’information (les données) contrôle, elle conduit à une augmentation de la puissance statistique de la comparaison si les données historiques ne sont pas discordantes avec celle de l’étude. Moins de patients ont donc besoin d’être inclus dans l’essai randomisé conduisant à un cout plus faible de l’étude et à une durée d’inclusion plus courte.

La validité des résultats produits dépend d’une hypothèse fondamentale qui, en terme bayésien, est le caractère échangeable des études apportant les données contrôles. Les données des contrôles historiques estiment correctement les résultats que devrait obtenir le groupe contrôle de l’essai randomisé. Les patients des groupes contrôles historiques doivent donc comparables en termes de distributions de tous les facteurs pronostiques et des modificateurs d’effets (cf. hypothèse des comparaisons indirectes non ancrées [188] ). Aucune méthode n’a été proposée jusqu’à présent pour ajuster sur les caractéristiques des patients.

Ces techniques sont principalement proposées pour des phases précoces (phase 2) où l’aspect spéculatif de l’hypothèse fondamentale de validité expose seulement au risque pour l’industriel de financer et réaliser une phase 3 à tort et non pas à une utilisation indue en pratique du nouveau traitement. Cependant ces approches sont aussi de plus en plus envisagées pour a réalisation d’études pivots (comme dans les maladies rares) et apparaissent ainsi dans des guidelines réglementaires :

  • 2019 FDA guidance for Interacting with the FDA on Complex Innovative Clinical Trial Designs for Drugs and Biological Products [189] .
  • 2019 FDA guidance for Rare Diseases: Common Issues in Drug Development [190] : « The potential use of natural history data as a historical comparator for patients treated in clinical trial is often of interest… in general studies using historical controls are credible only when the effect is large in comparison to variability in disease course »
  • EMA: Guideline on Clinical Trials in Small Populations [191] .

Historiquement cette approche a été proposée dès 1976 par Stuart Pocock [192] . D’autres propositions et variantes  ont été faites plus récemment comme les « power priors » [193] , ou les « Meta Analytic Predictive (MAP) Prior » [188 , 194] . Ces approches sont très techniques et leur description détaillée dépasse largement le cadre de ce document.