21.1 Problématiques méthodologiques

     

La méta-analyse classique est une approche rétrospective dont elle hérite des limites méthodologiques : comme les résultats des études sont disponibles lorsque la méta-analyse est réalisée, il est possible de choisir les essais à inclure en fonction du résultat de la méta-analyse qu’ils produisent.

Même si le travail de méta-analyse n’effectue pas une sélection des études, celle-ci a peut-être eu lieu en amont, lors de la publication ou non des études en fonction de leur résultat (biais de publication).

De même, il peut être décidé de répondre à une question (bénéfice du traitement sur la mortalité par exemple) par la voie de la méta-analyse en fonction du résultat produit. L’approche rétrospective ne s’inscrit pas dans la démarche hypothético déductive nécessaire à l’obtention d’un haut degré de certitude des résultats.

L’aptitude à trouver un résultat potentiellement intéressant à tort est aussi amplifiée par la multiplicité non contrôlée des analyses que l’on peut faire dans une méta-analyse : nombreux critères de jugement, sous-groupes en fonction de la qualité des études, de leur contemporanéité, des traitements, des patients, etc. L’utilisation d’un de ces multiples résultats pour soutenir une revendication sera alors entièrement déterminée par le résultat lui-même.

La méta-analyse est aussi sensible au biais des études elles-mêmes. La présence d’études exposées aux biais (essais randomisés ou études observationnelles) conduit à un résultat de méta-analyse lui-aussi à risque de biais. Pour cette raison, une restriction aux études à faible risque de biais lorsqu’elle existe peut-être préférable par rapport à une méta-analyse incluant toutes les études y compris celles à risque de biais. Même si ce principe ne conduit pas à l’exhaustivité, il évite de dégrader le résultat de la méta-analyse du fait de la présence des études à risque de biais alors qu’existent des études apportant un haut degré de certitude.

La dernière problématique de la méta-analyse est le sens médical du regroupement des études qui peuvent porter sur des populations de patients différentes ou avoir utilisé des modalités de traitements différents. Une méta-analyse peut faire conclure à tort à l’intérêt du traitement pour une sous-population de patients, car la méta-analyse regroupant les essais réalisés chez ces patients avec d’autres essais montre globalement un bénéfice, mais qui est conditionné par le bon résultat du traitement obtenu chez les autres sous-populations. De même, un effet délétère spécifique d’une population ou d’un traitement peut disparaitre en méta-analyse où les résultats le montrant sont dilués par ceux d’autres études réalisées avec des patients ou des traitements ne présentant pas cet effet indésirable.

Par exemple, une méta-analyse peut amener à faire conclure à un effet de classe, donc avec son résultat applicable à tous les représentants de la classe, alors qu’en réalité l’effet n’a été obtenu ou vraiment documenté que pour une molécule de ladite classe (sans que cela ne soit détecter par le test d’hétérogénéité compte tenu de sa faible puissance ou de sa non-prise en considération).

Au total ces limites rendent rédhibitoire l‘utilisation d’une telle méta-analyse pour apporter la preuve d’un bénéfice clinique d’un traitement en l’absence d’études concluantes par elle-même ; la méta-analyse servant principalement soit à vérifier la cohérence externe du résultat d’un essai pivot, soit à générer de nouvelles hypothèses à tester dans un nouvel essai.

La solution est la planification a priori de la méta-analyse (analyse conjointe) avant la réalisation des essais. Cette approche est parfois connue sous le nom de méta-analyse prospective. Ainsi disparait la problématique liée au choix rétrospectif des études participant à la méta-analyse. La démarche hypothético-déductive est parfaitement respectée, car l’objectif de la méta-analyse est aussi établi a priori .

Le candersartan dans l’insuffisance cardiaque a fait l’objet de 3 essais CHARM [150 , 232 , 233] dont le critère de jugement était le critère composite hospitalisations ou décès cardiovasculaires. Pour documenter l’efficacité du produit sur les décès, le plan de développement prévoyait de répondre à cette question par la méta-analyse des 3 essais, ce regroupement permettant (CHARM program) d’obtenir le nombre de sujets nécessaires pour garantir la puissance statistique sur ce critère [234] .


Une limite persiste, celle de l’hétérogénéité statistiques des résultats des études qui peut rendre difficile l’interprétation de la méta-analyse et compromettre la démonstration du bénéfice. Il faut bien sûr aussi que le regroupement de ces études ait un sens clinique avec des populations des essais qui correspondent à une même entité clinique. Un essai entrepris pour répondre à la même question aurait regroupé aussi ces différents patients.