23 Les maladies rares

     

Lorsque le nombre de sujets est très faible, il est impossible de mettre en évidence le bénéfice d’un traitement sauf si cet effet est très important. Il s’agit d’une impossibilité mathématique de séparer un effet faible du bruit de fond induit par la variabilité du vivant. Ces situations ne permettent donc pas, et ne permettront jamais, d’obtenir de preuve du bénéfice des traitements du fait de l’extrême rareté des patients (maladies rares ou variations moléculaires de pathologies fréquentes) et du faible bénéfice des traitements proposés, quelle que soit la méthodologie utilisée note n° 30 .

Dans ces situations, il est donc impossible de garantir aux patients le bénéfice clinique réel des traitements utilisés [243] . La solution n’est pas de tenter de trouver une méthode magique permettant de conclure avec un haut degré de certitude à partir de rien ou d’espérer que de nouvelles méthodes apporteraient le niveau de certitude recherchée (inatteignable compte tenu de l’importance de la variabilité biologique par rapport à la quantité d’unités statistiques observables), mais d’acter cette impuissance, d’en informer les patients et d’imaginer de nouvelles formes de régulation pour empêcher une approche prédatrice de ces nouveaux marchés [244] .

Ces situations sont cependant exceptionnelles et ne concernent pas toutes les maladies rares. La réalisation d’essais randomisés reste faisable dans de nombreuses situations et doit être l’approche de base [245] . La FDA dans un document de guidance, non encore approuvé en novembre 2021, réaffirme importance des essais randomisés avec une ouverture possible vers les études mono-bras [190] . La problématique des études mono-bras et des essais à contrôle externe est discutée section 16 et section 17. Dans le cadre des maladies rares aussi, ces études se révèlent difficiles à réaliser, par manque de contrôles historiques appropriés (sélectionnés sur le biomarqueur spécifique du nouveau traitement par exemple) et bien souvent le développement d’un traitement de ce type commence par documenter l’histoire naturelle de la maladie (cf. guide FDA déjà cité).

Des éléments de design permettent d’optimiser la puissance des essais randomisés sans compromettre leur fiabilité en jouant principalement sur une réduction de la variabilité : design adaptatif, analyse séquentielle, design combiné (seamless ) phase 2/3, étude en cross-over, et pour les critères continus suivi longitudinal permettant de répéter les mesures du critère de jugement et de modéliser, éviter la dichotomisation, etc. [246] . Malgré cela la puissance des études reste en général faible et conduit à une valeur prédictive positive faible des études statistiquement significatives [247 , 248] .

Pour pallier ce manque de puissance structurelle, apparait parfois une certaine dérive méthodologique pour obtenir malgré tous des résultats d’essais randomisés présentés comme « concluant » : augmentation du seuil de la signification statistique [246 , 249] , non-infériorité avec une limite excessive (et arbitraire), utilisation de critères intermédiaires présentés comme étant des critères cliniques, etc. [248 , 250 , 251]

Une autre voie envisagée pour remédier à la difficulté de recruter les effectifs suffisants est celle de l’emprunt d’information [252 , 253 , 254] , avec principalement l’utilisation d’apriori informatif en inférence bayésienne (cf. section 18). La principale limite de cette approche est l’utilisation d’un apriori arbitraire, plus basé sur les croyances de l’investigateur que sur des données adaptées.

À noter que, même pour les maladies rares, quand les traitements apportent un bénéfice substantiel il devient tout à fait possible de le démontrer avec les méthodologies standards (comme par exemple avec le nusinersen dans l’atrophie musculaire spinale [255] qui a démontré dans un essai en double aveugle par une sham-intervention, avec un contrôle du risque alpha global, un gain en mortalité lors d’une analyse intermédiaire conduisant à l’arrêt prématuré de l’essai).

Les critères d’acceptabilités des résultats dépendent du type de méthodologie utilisée, l’aspect maladie rare n’introduisant aucune spécificité dans l’interprétation des résultats, et ne rend pas non plus les hypothèses simplificatrices plus valides a priori que dans les autres domaines. Nous renvoyons donc le lecteur aux parties de ce document qui correspondent aux méthodes utilisées.


[30] La quantité d’information (entropie) possible de produire par une étude est insuffisante pour distinguer l’effet du traitement du bruit.