19.2 Solution

     

La démonstration qu’un biomarqueur est un surrogate utilisable à la place d’un critère clinique repose sur la mise en évidence d’un haut degré de corrélation entre l’effet du traitement sur le biomarqueur et l’effet du traitement sur le critère clinique (trial level correlation ou R trial ) [197 , 198] . Cette démonstration passe par la réalisation d’une régression montrant la relation entre l’effet sur le critère intermédiaire et l’effet sur le critère clinique pertinent. Il a été proposé une borne inférieure de l’IC à 95% du coefficient de corrélation R > 0.85 [199] pour la démonstration de la surrogacy.

Cette démonstration nécessite donc que soit disponibles des essais randomisés documentant l’effet du traitement sur les critères cliniques et sur le surrogate. D’une certaine façon la démonstration qu’un biomarqueur est un surrogate valide s’obtient paradoxalement alors que les essais ont démontré le bénéfice clinique du traitement sur les critères cliniques eux-mêmes.

La corrélation entre le biomarqueur et le critère clinique doit aussi être vérifiée. Cette corrélation « au niveau des individus » (R indiv ) est habituellement évaluée à partir d’études observationnelles ou randomisées, mais ne suffit pas à établir la surrogacy.

Pour avoir un intérêt en pratique, la démonstration qu’un biomarqueur est un surrogate doit pouvoir s’extrapoler aux futurs médicaments d’un autre mécanisme d’action ou d’une autre classe pharmacologique. À titre d’exemple, l’effet des glifozines pourraient être liés à deux effets différents, l’un passant par un effet hypoglycémique, l’autre par un effet potentiel effet antihypertenseur ou diurétique. Cette universalité n’est pas démontrable en elle-même et plusieurs limites sont envisageables :

  • Le biomarqueur n’est pas sur la voie du nouveau mécanisme d’action
  • Le biomarqueur n’est pas un intermédiaire de l’action du traitement mais un effet parallèle
  • Les effets secondaires du nouveau mécanisme d’action n’impactent pas le critère clinique de la même façon que ceux des traitements utilisés pour l’étude de « validation » du surrogate (par exemple décès toxiques et overall survival en oncologie)

Au-delà de la démonstration de la corrélation des effets, la question de la généralisabilité de la démonstration de la surrogacy est un élément clés de l’utilisabilité en pratique d’un candidat surrogate.

Lors de leur utilisation, la démonstration d’un effet non nul du traitement sur un surrogate ne permet pas d’en déduire de facto un effet non nul du traitement sur le critère clinique, car la relation entre les 2 effets n’est jamais une relation d’identité. De manière régulière, les tailles des effets sur le critère clinique sont plus petites que celle sur le surrogate. L’analyse de corrélation doit donc déterminer le seuil de l’effet minimal sur le surrogate (« surrogate threshold effect ») [200] qui conduit à un effet non nul avec certitude sur le critère clinique si la valeur de surrogacy est démontré. Ce seuil est déterminé à partir de la limite péjorative de l’intervalle de prédiction de la relation entre les effets sur le surrogate et les effets sur le critère clinique. Pour un nouveau traitement, l’éventuelle conclusion à son bénéfice sur le critère clinique ne pourra être effectuée que si l’effet observé dans son essai sur le surrogate est plus important que ce seuil. La taille de l’effet extrapolé sur le critère clinique est estimée à l’aide de l’intervalle de prédiction de la relation de surrogacy obtenue à partir du modèle de régression linéaire. En effet, la disponibilité d’une estimation de la taille de l’effet sur le critère clinique est indispensable pour juger de la pertinence clinique et pour positionner le nouveau traitement dans la stratégie thérapeutique.

L’estimation du STE peut aussi être utilisée comme une aide au plan de développement pour optimiser les tailles des études de confirmation sur critère clinique, à partir des résultats initiaux sur le critère de substitution.

Même avec un surrogate valide dont la généralisabilité serait démontrée (autant que cela est possible), des limites méthodologiques d’un autre type apparaissent. L’utilisation d’un surrogate permet de réaliser des essais plus courts et/ou avec moins de sujets. De ce fait, ces petites études ne permettent de documenter avec fiabilité le risque de ces nouveaux médicaments et d’établir avec certitude la balance bénéfice risque. L’idée de rechercher des surrogates des risques (des effets indésirables) n’est pas envisageable compte tenu de la spécificité des effets indésirables et de leur caractère inattendu.

Bien que l’approche proposée par Buyse et al. [56, 59] soit devenue la méthode standard, d’autres propositions [201 , 202 , 203] ont été faites depuis, mais ne sont pas employées en pratique.