#F011 Intérêt des bêta-bloquants dans la prévention secondaire de l’infarctus du myocarde à fraction d'éjection ventriculaire gauche préservée ?
De quoi parle-t-on ?
De l’intérêt d’un traitement par bêta-bloquant au long cours chez des patients ayant présenté un infarctus du myocarde de type 1 (selon la quatrième définition universelle de l'infarctus du myocarde (1)) avec angiographie coronaire précoce montrant une coronaropathie obstructive, et présentant une fraction d'éjection du ventricule gauche (FEVG) préservée (≥50%), dans la réduction du risque de décès ou de récidive d’infarctus.
Pourquoi a-t-on choisi d’en parler ?
Les bêta-bloquants sont recommandés dans le traitement au long cours de l’infarctus du myocarde pour réduire les risques de récidive et de mortalité. Cependant, les données dont sont issues ces recommandations proviennent principalement des années 1980. Depuis, des progrès très importants ont été réalisés dans la prise en charge du syndrome coronarien aigu, avec le développement de nouvelles technologies diagnostiques et interventionnelles, de même que l’optimisation de la prise en charge thérapeutique permettant de réduire les temps de prise en charge et les complications. Ces progrès ont permis de réduire de façon majeure le risque de séquelles dues à la survenue d’un infarctus du myocarde. (2–4)
Une revue Cochrane de 2021 suggérait que des essais cliniques récents et robustes étaient nécessaires pour confirmer le bénéfice des bêtabloquants sur la réduction du risque de mortalité et de récidives en post-infarctus chez les patients sans insuffisance cardiaque (5).
T. Yndigegn et coll. (6) ont récemment publié les résultats de l'essai clinique REDUCE-AMI (https://doi.org/10.1056/NEJMoa2401479), un essai randomisé 1 : 1, contrôlé en ouvert, dont l’objectif principal était de répondre à cette problématique. Les patients inclus avaient survécu à un infarctus du myocarde de type 1 (avec ou sans sus-décalage du segment ST à l’ECG), avaient bénéficié d'une coronarographie précoce montrant une coronaropathie obstructive, et présentaient une FEVG d'au moins 50 %. Ils étaient randomisés dans les 7 jours post infarctus pour recevoir soit un traitement au long cours avec un bêta-bloquant (métoprolol ou bisoprolol), soit aucun traitement.
Au total, 5020 patients ont été inclus, dont 95,4 % en Suède, d’âge médian 65 ans (25ème et 75ème percentiles 57 à 73). Malgré la méthodologie ouverte, 96,2 % des patients du groupe bêta-bloquants en recevaient contre 9,8 % dans le groupe contrôle. La stratégie médicamenteuse était optimale, respectivement 96 et 95 % sous antagonistes P2Y12, 79 % et 81 % % sous médicament du système rénine angiotensine, 99 et 98 % sous statine et 97 % sous aspirine dans les 2 groupes,. Le suivi médian était de 3,5 ans (intervalle interquartile, 2,2 à 4,7 ans) dans chaque groupe. Pour le métoprolol, la dose initiale médiane était de 50 mg et la dose cible médiane était de 100 mg; pour le bisoprolol, la dose initiale médiane était de 2,5 mg et la dose cible médiane était de 5,0 mg.
Un événement d’intérêt (décès toute cause confondues ou récidive d’infarctus du myocarde) est survenu chez 199 des 2508 patients (7,9 %) dans le groupe bêta-bloquant et chez 208 des 2512 patients (8,3 %) dans le groupe contrôle (risque relatif, 0,96 (IC 95 0,79-1,16) ; P=0,64). Le traitement par bêta-bloquant ne semble pas non plus réduire le risque de décès, toutes causes confondues (3,9 % dans le groupe bêta-bloquant et 4,1 % dans le groupe sans bêta-bloquant), de décès de causes cardiovasculaires (1,5 % et 1,3 %), d’infarctus du myocarde (4,5 % et 4,7 %), d’hospitalisation pour fibrillation auriculaire (1,1 % et 1,4 %), ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (0,8 % et 0,9 %).
Les auteurs concluent que chez les patients ayant survécu à un infarctus aigu du myocarde de type 1, avec une coronaropathie obstructive et dont la fraction d'éjection du ventricule gauche était préservée (≥50 %), le traitement à long terme par bêta-bloquants n'a pas permis de réduire le risque de survenue de décès toutes causes confondues ou nouvel infarctus du myocarde sur un suivi médian de 3,5 ans.
L'incidence observée des événements du critère principal était beaucoup plus faible que ne l'avaient anticipé les investigateurs, ce qui reflète la sélection d'une cohorte de patients présentant une FEVG proche de la normale, ayant bénéficié d'une revascularisation précoce et ayant reçu des soins optimisés. Les résultats de cet essai ne doivent pas être appliqués à des patients à plus haut risque, dont la FEVG est inférieure à 50 % ou n'ayant pas bénéficié d’une revascularisation. À cela, s’ajoute le temps de suivi relativement court (médiane de 3,5 ans), qui pourrait desservir l’estimation de l’efficacité des bêta-bloquants. En ce sens, il est important de noter qu’aucune information n'est fournie sur la prévention des tachyarythmies ventriculaires, un avantage potentiel important des bêta-bloquants dans ce contexte. (7)
L’avis de la SFPT
Cet essai clinique questionne la place des bêta-bloquants au long cours et en première intention dans la prévention de récidive d’infarctus du myocarde de type 1, avec une coronaropathie obstructive.
Deux limites sont à prendre en compte, car elles auraient tendance à sous-estimer l’intérêt des bêta-bloquants.
- Premièrement, la faible puissance de l’étude, due à une incidence plus faible que prévue du critère principal et accentuée par un temps de suivi relativement court.
- Deuxièmement, l’absence de mesure de l’effet des bêta-bloquants sur la prévention des tachycardies ventriculaires.
Il est important de souligner que cet essai se focalise sur des patients ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche préservée, ces résultats ne doivent donc pas être extrapolés aux patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche à la suite d’un infarctus du myocarde.
- Dernière mise à jour le .