La première publication de l’IHU Méditerranée Infectiion ayant contribué à la promotion massive de l’hydroxychloroquine comme traitement contre la COVID-19, vient d’être rétractée, après des années de controverses, pour des considérations de méconduites scientifique et éthiques . (cf. site web du journal https://doi.org/10.1016/j.ijantimicag.2020.105949 )
Dès sa publication, cette étude avait été vivement critiquée pour de nombreuses violations des règles scientifiques et éthiques, notamment en ce qui concerne la protection des patients participant aux recherches. Elle constitue un exemple manifeste de méconduite scientifique, marqué par des manipulations de données et des biais dans l’interprétation des résultats, visant à présenter à tort l’hydroxychloroquine comme efficace.
Les études rigoureuses menées par la suite ont unanimement démontré l’inefficacité de l’hydroxychloroquine contre la COVID-19. Son utilisation a par ailleurs été associée à de graves effets indésirables, notamment huit arrêts cardiaques et une centaine de troubles du rythme cardiaque signalés en pharmacovigilance en moins d’un mois d’utilisation en France. Une surmortalité de 11 % a également été retrouvée dans plusieurs méta-analyses des essais cliniques randomisés.
Cette étude très controversée a constitué la pierre angulaire d’un scandale mondial. La promotion de ses résultats a conduit à la prescription abusive de l’hydroxychloroquine à des millions de patients, entraînant une prise de risque inutile pour des millions de personnes et potentiellement plusieurs milliers de décès évitables. Elle a également entraîné un gaspillage massif de ressources et la prolifération de centaines d’études inutiles, au détriment de la recherche sur des traitements réellement efficaces.
La rétractation de l’étude Gautret, attendue depuis quatre ans, constitue une reconnaissance tardive mais essentielle des dérives scientifiques qui ont mené à la mise en danger des patients. Elle doit marquer le début d’une remise en question plus large des travaux menés sous la tutelle du Pr Didier Raoult, en particulier sur l’hydroxychloroquine. Ces travaux sont suspectés de ne pas respecter les normes éthiques et scientifiques et font, pour certains, l’objet de procédures judiciaires en cours..
Cette succession d’évènements permet de rappeler un point essentiel en matière de médicaments : même en période de crise sanitaire, la prescription de médicaments sans preuves solides d’efficacité, en dehors du cadre rigoureux d’essais cliniques bien conduits, demeure inacceptable. L’un des principes fondamentaux de la médecine – primum non nocere (« d’abord, ne pas nuire ») – a ici été sacrifié, avec des conséquences dramatiques.
La SFPT appelle à une vigilance accrue afin de garantir que la recherche scientifique et la prise en charge des patients respectent en toute circonstances les principes d’éthique, de rigueur et de transparence pour le bien des patients et de l’ensemble de la population.
Après un premier avis négatif en juillet 2024, l'EMA (Agence Européenne des Médicaments) a finalement prononcé, le 14 novembre dernier, une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le lécanémab (leqembi®) pour le traitement des patients adultes présentant des troubles cognitifs légers ou une démence à un stade léger dans le cadre d’une maladie d'Alzheimer, en précisant que pour être éligibles au traitement les patients ne doivent pas être porteurs homozygotes de l'allèle 4 du gène de l’ApoE (1). Le lécanémab est le premier anticorps monoclonal faisant l'objet d'une AMM dans l'Union Européenne. En se fixant sur la substance amyloïde au niveau cérébral, cet anticorps a pour effet de favoriser l’élimination de cette substance, qui serait associée à l'aggravation de l'état cognitif des patients. L’efficacité de cet anticorps a été évaluée au cours d'un essai clinique comparatif contre placebo, randomisé et en double aveugle (2). Le critère d'évaluation principal était le score CDR-SB (Clinical Dementia Rating–Sum of Boxes) dont les valeurs sont comprises entre 0 et 18. Un total de 1795 patients a été inclus dans cet essai (2). Après 18 mois, la différence observée en valeur de CDR-SB entre les groupes était de 0,45, différence qui s’avère significative sur le plan statistique mais pas sur le plan clinique, dans la mesure où l’effet clinique est perceptible pour une différence d’au moins 1 point sur cette échelle (3, 4) . Par ailleurs, la fixation de l'anticorps au niveau du tissus cérébral a entraîné, chez les patients traités par le lécanémab, un plus grand nombre d'effets indésirables, en particulier des micro-hémorragies (ARIA-H, 17,3 vs 9%) et des œdèmes (ARIA-E, 12,6 vs 1,7%) cérébraux. En excluant de l’analyse les patients homozygotes pour l’allèle 4 de l’ApoE (274, soit 15%), les résultats apparaissent moins défavorables. Ainsi, sur les 1521 patients restant, la différence observée sur l'échelle CDR-SB est de 0,53. La proportion de patients développant des ARIA-E passe de 12,6 à 8,9% et ceux développant des ARIA-H passe de 16,9% à 12,9%. En comparaison, les patients de même profil recevant le placebo, présentent ces anomalies dans respectivement 1,3 et 6,8 % des cas. Au delà du fait qu’au plan méthodologique les résultats de l’essai ne demeurent valables qu’à la condition de conserver l’ensemble des patients, cette analyse en sous-groupe d’apparence moins défavorable, ne montre toujours pas d’efficacité cliniquement pertinente de ce traitement alors même que les effets indésirables potentiellement graves demeurent. Le risque d'effets indésirables en termes de micro-hémorragies et d'œdèmes cérébraux apparaît multiplié respectivement par 6,8 et 1,9 chez les patients qui sont traités. En dépit d’une attente importante et compréhensible des malades et de leur entourage (parfois constitués en association), ainsi que des soignants dans le cadre de la maladie d’Alzheimer, la SFPT souligne à nouveau les limites des résultats de cet essai (5), ainsi qu’une décision discutable de l’EMA qui a finalement accordé une AMM à ce médicament en se basant sur les données d’un sous-groupe de patients sans que par ailleurs le risque lié à ce traitement ne soit totalement maîtrisé.
Dans ce contexte, la SFPT ne peut pas recommander l’utilisation de ce médicament en l’état actuel des données d’efficacité et de sécurité disponibles.
van Dyck CH, Swanson CJ, Aisen P, Bateman RJ, Chen C, Gee M, Kanekiyo M, Li D, Reyderman L, Cohen S, Froelich L, Katayama S, Sabbagh M, Vellas B, Watson D, Dhadda S, Irizarry M, Kramer LD, Iwatsubo T. Lecanemab in Early Alzheimer's Disease. N Engl J Med. 2023 Jan 5;388(1):9-21. doi: 10.1056/NEJMoa2212948. Epub 2022 Nov 29. PMID: 36449413.
Andrews JS, Desai U, Kirson NY, Zichlin ML, Ball DE, Matthews BR. Disease severity and minimal clinically important differences in clinical outcome assessments for Alzheimer's disease clinical trials. Alzheimers Dement (N Y). 2019 Aug 2;5:354-363. doi: 10.1016/j.trci.2019.06.005. PMID: 31417957; PMCID: PMC6690415.
Liu KY, Schneider LS, Howard R. The need to show minimum clinically important differences in Alzheimer's disease trials. Lancet Psychiatry. 2021 Nov;8(11):1013-1016. doi: 10.1016/S2215-0366(21)00197-8. Epub 2021 Jun 1. PMID: 34087114.
La Société Française de Pharmacologie et de Thérapeutique désire attirer l'attention sur la récente rétractation d'un article scientifique coordonné par le Pr JC. Lega initialement publié dans la revue Biomedicine & Pharmacotherapy en février 2024. Le Pr Lega et plusieurs signataires de cet article sont des membres actifs de notre Société savante et le travail qui a fait l'objet de la publication avait été présentéet discutéau congrès de notre société en 2023. A cette occasion, un légitime débat scientifique s'était engagé malheureusement doublé d'une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux principalement à l'encontre du Pr Lega et de ses collègues et ce en dépit de la reconnaissance scientifique antérieure de ces derniers dans le contexte notamment de travaux dans le domaine de la thérapeutique incluant l'analyse de grandes cohortes et des méta-analyses. La décision de rétractation récente semble quant à elle avoir été prise en l'absence évidente de fraude, de manipulation ou de sélection arbitraire des données. Les raisons et motivations sous-jacentes demeurent ainsi assez obscures et s'inscrivent clairement en dehors du processus scientifique habituel. Dans un tel contexte, la SFPT et l'ensemble de ses membres s'interrogent sur l'intervention de lobbies non scientifiques. Si cela était le cas, une telle rétractation constituerait une première historique et introduirait un risque majeur pour tous les chercheurs et revues scientifiques dont les travaux vont à l'encontre des convictions de tel ou tel groupe d'influence. Bien entendu, la décision de publier ou de rétracter un manuscrit relève de la responsabilité de la revue scientifique et de son rédacteur en chef. En tant que société savante dédiée à la Pharmacologie et à la Thérapeutique, nous respectons pleinement ce privilège et ne pouvons le contester. Néanmoins, une rétractation non motivée par la fraude et non basée sur un argumentaire scientifique solide peut difficilement se justifier. Céder aux différents lobbies potentiels serait par ailleurs un élément particulièrement inquiétant pour l'avenir de la science et le travail des chercheurs.
Il est encore temps de répondre à ce court sondage pour recueillir votre avis sur l’implication des pharmacologues et thérapeutes français dans la déprescription.
Un grand merci à tous.
Sondage sur la Déprescription dans la communauté des Pharmacologues-Thérapeutes de France
La déprescription, mouvement initié par le Canada et l'Australie et adopté récemment en Europe, vise à réduire la consommation de médicaments tout en améliorant la santé des patients.
Une conférence internationale se tiendra à Nantes le 26 et 27 septembre 2024 pour discuter des stratégies de déprescription, avec une participation active de la SFPT et du CNPM.
Merci infiniment à ceux qui nous aideront à préparer ce symposium en répondant à ce court sondage.