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#FL007 Transmission iatrogène de protéines béta-amyloïdes avec la possible induction de maladies d’Alzheimer

Parmi les pathologies neurodégénératives associées à l’accumulation de protéines altérées, les pathologies à prion tiennent une place particulière. Elles résultent en effet de l’accumulation d’une forme tridimensionnelle aberrante de la protéine prion classique PRPc en PRPsc. Par un mécanisme original, la protéine aberrante contamine les protéines prion adjacentes entrainant une encéphalopathie spongiforme subaiguë, la maladie de Creutzfeld-Jakob (CJ), rendue célèbre auprès du grand public dans le contexte de la crise dite de la « vache folle » dans les années 1990.

Parmi les autres maladies neurodégénératives, la maladie d’Alzheimer est également une pathologie associée à des anomalies protéiques, avec notamment l’accumulation de protéines béta-amyloïdes et de protéines Tau hyperphosphorylées. Dans le contexte d’un questionnement récurrent sur la possibilité d’un mode de propagation de type prion-like, une possible transmission iatrogène de protéines béta-amyloïdes a été décrite récemment. Dans un article publié dans la revue Nature Medicine fin janvier 2024 (1), a été montrée l’apparition de troubles cognitifs précoces chez des sujets de moins de 55 ans, troubles dont les caractéristiques cliniques étaient évocatrices d’une maladie d’Alzheimer.

Ces sujets, répertoriés dans la base de données du Royaume Uni des patients ayant reçu de l’hormone de croissance entre 1959 et 1985 (base visant à inventorier les cas de CJ secondaires), présentaient tous des troubles cognitifs compatibles avec une maladie d’Alzheimer. Le tableau clinique n’était cependant pas strictement superposable à une maladie d’Alzheimer classique comme il existe par ailleurs des formes atypiques de la maladie de CJ, notamment dans les formes liées à une contamination par ingestion ou par neurochirurgie. Après ajustement sur plusieurs facteurs confondants, notamment la prise en compte de facteurs de susceptibilité génétique, il s’avère que le mode d’acquisition de la pathologie pourrait être secondaire à l’injection de lots d’hormone de croissance contaminés par des protéines béta-amyloïdes dont le caractère infectieux a pu être démontré chez le rongeur. Il faut souligner par ailleurs que plusieurs cas de maladie de CJ ayant fait l’objet d’une autopsie présentaient également, en plus des lésions attribuables au prion, des agrégats pathologiques de protéines béta-amyloïdes dont l’origine était alors inconnue.

Ces données, qui éclairent d’un jour nouveau la physiopathologie de la maladie d’Alzheimer, doivent être interprétées avec prudence. En effet, tous les patients exposés ne présentent pas de symptômes cognitifs, faisant notamment discuter la possibilité de facteurs protecteurs ou de susceptibilité qui demeurent inconnus. Il convient d’ajouter qu’en dehors de l’administration d’hormone de croissance, telle que décrite dans cette étude, il n’existe actuellement pas d’autre mode de transmission démontré. Une vigilance particulière dans la manipulation de matériel potentiellement contaminé est sans doute nécessaire dans l’attente d’études complémentaires sur le sujet.

Référence

Banerjee, G., Farmer, S.F., Hyare, H. et al. Iatrogenic Alzheimer’s disease in recipients of cadaveric pituitary-derived growth hormone. Nat Med (2024). https://doi.org/10.1038/s41591-023-02729-2

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#FL006 Tirzépatide et maintien de la perte de poids au cours du temps

L’effet de la prise continue du tirzépatide sur le maintien de la perte pondérale au cours du temps n’était pas connu, mais l’essai SURMOUNT-4 paru dans le JAMA en janvier 2024 (1) apporte des éléments de réponse.
Cet essai a inclus 670 participants ayant pu recevoir la dose maximale de tirzépatide à 36 semaines de run in en ouvert, puis la randomisation a été effectuée en double aveugle contre placebo. Pour mémoire, les critères d’inclusions étaient la présence d’un surpoids avec IMC >27 avec une complication de celui-ci, ou une obésité avec IMC > 30. Les patients diabétiques ou ayant reçus un traitement contre l’obésité dans les 3 mois précédents étaient exclus.
Le critère de jugement principal était le pourcentage moyen de changement de poids entre la semaine 36 et la semaine 88, le critère de jugement secondaire correspondait à la proportion de participants ayant maintenu au moins 80% de la perte de poids initiale (semaine 0 à 36).
Les résultats principaux retrouvent pour le critère de jugement principal (cf. figure ci-dessous) une perte de poids supplémentaire de -5.5% dans le groupe tirzépatide, et une reprise de poids moyenne de 14% dans le groupe placebo. Concernant le critère de jugement secondaire, 89,5% des patients répondaient à cette définition dans le groupe tirzépatide contre seulement 16,6% dans le groupe placebo.

Figure : Effet du Tirzépatide contre placebo sur la perte de poids :

tirzepatide

Cet essai bien conduit semble plaider en faveur de la poursuite de cet analogue GLP1 / GIP au cours du temps chez les patients traités pour obésité, car comme pour les autres médicaments luttant contre cette pathologie, nous observons un effet rebond à l’arrêt de la thérapeutique.

Référence

(1) Aronne LJ, Sattar N, Horn DB, et al. Continued Treatment With Tirzepatide for Maintenance of Weight Reduction in Adults With Obesity: The SURMOUNT-4 Randomized Clinical Trial. JAMA. 2024;331(1):38–48. https://doi.org/10.1001/jama.2023.24945 

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#FL005 Oseltamivir (Tamiflu®) : Pas d’effet significatif sur la réduction du risque d’hospitalisation en traitement curatif de la grippe

Une revue systématique et méta-analyse de 15 essais cliniques randomisés incluant 6 166 patients a conclu que l'oseltamivir n'est pas associé à une réduction significative du risque d'hospitalisation. Des résultats similaires sont retrouvés dans un sous-groupe de patients considérés comme présentant un risque élevé d'hospitalisation. (1)

Cependant, deux commentaires à cette étude discutent son manque de puissance pour répondre à l’objectif principal. En effet, étant donné le très faible taux d'hospitalisation (0,6 %) de la grippe parmi la population témoin non traitée, le nombre total de participants est encore insuffisant pour évaluer l'efficacité de l'oseltamivir pour prévenir une hospitalisation. Un essai prospectif nécessiterait environ 88 000 patients. (2,3)

Les auteurs de l'étude soulignent que la raison pour laquelle un essai doit être de grande envergure tient au fait que si un bénéfice existe, il serait très faible. Une réduction absolue de 0,2 % des hospitalisations (avec un NNT à 500) peut être considérée comme bénéfique au niveau sociétal pendant une pandémie, mais n'est probablement pas pertinente lors d’une épidémie saisonnière. De plus, l’effet du médicament pourrait être plus important dans une population à très fort risque de grippe sévère (patients très âgés, patients transplantés ou très fortement immunodéprimés). Or les patients âgés et comorbides sont sous-représentés dans les essais cliniques existants. (4)

Pour rappel, en 2020, la HAS a attribué au Tamiflu® un SMR insuffisant dans le cadre d’un traitement curatif de la grippe et un SMR faible dans le cadre d’un traitement préventif en situation de pandémie grippale avérée ou potentielle, mais insuffisant lors d’épidémie saisonnière. (5)

Références

  1. Evaluation of Oseltamivir Used to Prevent Hospitalization in Outpatients With Influenza: A Systematic Review and Meta-Analysis | Clinical Pharmacy and Pharmacology | JAMA Internal Medicine. JAMA Intern Med. 2024;184(1):18-27. https://doi.org/10.1001/jamainternmed.2023.0699
  2. Uyeki TM, Hui DSC, Lee N. Oseltamivir May or May Not Reduce Hospitalizations. JAMA Intern Med. 2024;184(1):116. https://doi.org/10.1001/jamainternmed.2023.4711  
  3. Antoon JW, Grijalva CG, Talbot K. Oseltamivir May or May Not Reduce Hospitalizations. JAMA Intern Med. 2024;184(1):116-117. https://doi.org/10.1001/jamainternmed.2023.4720 
  4. McDonald EG, Hanula R, Lee TC. Oseltamivir May or May Not Reduce Hospitalizations—Reply. JAMA Intern Med. 2024;184(1):117-118. https://doi.org/10.1001/jamainternmed.2023.5769 
  5. Fiche info - TAMIFLU 75 mg, gélule - Base de données publique des médicaments: https://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/extrait.php?specid=63601338#
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#FL004: Thérapeutiques d’épargne de la fonction β pancréatique dans le diabète de type 1 : des perspectives encourageantes

Deux études récentes ont évalué l'efficacité de deux médicaments, le teplizumab et le baricitinib, dans le traitement du diabète de type 1 nouvellement diagnostiqué. Ces thérapies, sont respectivement un anticorps monoclonal antiCD3 injecté pendant 12 jours chez des enfants et adolescents (1) et un inhibiteur JAK pris par voie orale pendant 48 semaines (2). Leur l’impact a été évalué sur les variations des concentrations de C-peptide à la semaine 78 pour le teplizumab et 48 pour le baracitinib..
Ces études suggèrent une préservation significative de la fonction des cellules β estimée par le taux moyen de peptide C stimulé par un repas mixte, pour chaque médicament par rapport au placebo.
Cependant, aucune amélioration significative n'a été observée sur l'équilibre glycémique, la variation du taux d'hémoglobine glyquée et surtout sur la dose moyenne d'insuline journalière injectée, bien qu’un manque de puissance soit probable.
Le profil de sécurité du teplizumab révèle des effets indésirables attendus à type de lymphopénie, anomalies des tests hépatiques, syndrome de relargage cytokinique et réactivation du virus EBV. Pour le baracitinib, les effets indésirables étaient identiques dans les deux groupes de traitement, mais les faibles effectifs ne permettaient pas d’observer les effets indésirables attendus thrombo-emboliques..
Il s’agit de perspectives thérapeutiques encourageantes dans l’objectif de préserver la fonction β pancréatique des patients avec un diabète de type 1 récemment diagnostiqué. Cependant, le profil pharmacodynamique de ces deux médicaments nous amène à anticiper une iatrogénie attendue et à discuter de leur balance bénéfices-risques.

Références

1) Waibel M, Wentworth JM, So M, Couper JJ, Cameron FJ, MacIsaac RJ, Atlas G, Gorelik A, Litwak S, Sanz-Villanueva L, Trivedi P, Ahmed S, Martin FJ, Doyle ME, Harbison JE, Hall C, Krishnamurthy B, Colman PG, Harrison LC, Thomas HE, Kay TWH; BANDIT Study Group. Baricitinib and β-Cell Function in Patients with New-Onset Type 1 Diabetes. N Engl J Med. 2023 Dec 7;389(23):2140-2150. doi: https://doi.org/10.1056/NEJMoa2306691 . PMID: 38055252.
2) Ramos EL, Dayan CM, Chatenoud L, Sumnik Z, Simmons KM, Szypowska A, Gitelman SE, Knecht LA, Niemoeller E, Tian W, Herold KC; PROTECT Study Investigators. Teplizumab and β-Cell Function in Newly Diagnosed Type 1 Diabetes. N Engl J Med. 2023 Dec 7;389(23):2151-2161. doi: https://doi.org/10.1056/NEJMoa2308743 . Epub 2023 Oct 18. PMID: 37861217.

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#FL003: Synthèse de protéines alternatives induite par les vaccins ARNm

Les vaccins ARNm font produire, par les cellules de l’immunité qui les captent, des protéines qui ressemblent à celles du virus, afin d’entrainer le système immunitaire à reconnaître et éliminer le virus en cas d’infection.
Pour que les ARNm fonctionnent bien, ils doivent être légèrement modifiés pour les rendre plus stables et qu’ils ne soient immédiatement détruits. L’article publié récemment dans Nature (1) montre que ces modifications peuvent induire une erreur de lecture des ARNm avec un décalage qui peut entraîner la production de protéines plus petites comme cela peut se produire avec le vaccin BNT162b2 contre le COVID-19.
Comme pour tout médicament, quel que soit sa nature, on ne connaît jamais exactement toutes les interactions moléculaires des principes actifs et de leurs métabolites qui peuvent toucher des cibles secondaires. C’est le rôle du développement de mesurer l’efficacité, les effets secondaires et les effets indésirables, et de la pharmacovigilance, après la commercialisation, de surveiller la survenue d’effets indésirables pour apprécier en continu le risque au regard du bénéfice.
Les effets indésirables de la vaccination BNT162b2 sont aujourd’hui bien connus et aucune réaction d’autoimmunité particulière n’a été retrouvée après des milliards de doses administrées, traduisant l’excellent rapport bénéfice-risque de ces vaccins. La question est donc plutôt pour les futures utilisations de la technologie de l’ARN messager, de modifier la conception des séquences de l’ARN messager afin de réduire le décalage de lecture. L’article propose des solutions pour réduire le risque de mauvaise traduction des ARN messagers et réduire le risque d’effets indésirables qui pourraient éventuellement être liés à ces protéines.


(1) Mulroney TE, Pöyry T, Yam-Puc JC, Rust M, Harvey RF, Kalmar L, Horner E, Booth L, Ferreira AP, Stoneley M, Sawarkar R, Mentzer AJ, Lilley KS, Smales CM, von der Haar T, Turtle L, Dunachie S, Klenerman P, Thaventhiran JED, Willis AE. N1-methylpseudouridylation of mRNA causes +1 ribosomal frameshifting. Nature. 2023 Dec 6. doi: 10.1038/s41586-023-06800-3. Epub ahead of print.  https://doi.org/1038/s41586-023-06800-3

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