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#F022 Pas d’indication de la colchicine dans la prévention secondaire post-syndrome coronaire aigu

De quoi parle-t-on ?

De l’indication de la colchicine pour la prévention secondaire d’évènements cardiovasculaires aigus chez les patients ayant présenté un syndrome coronarien aigu.

Pourquoi a-t-on choisi d’en parler ?

La question de l’efficacité et la sécurité de la colchicine dans cette indication a été soulevée récemment par plusieurs études. Les résultats sont cependant hétérogènes, avec notamment la publication récente de de l’étude «  Colchicine in Acute Myocardial Infarction » (CLEAR) qui ne démontre pas de bénéfice de la colchicine chez des patients ayant présenté un infarctus du myocarde dans les 30 jours avant inclusion et durant un suivi médian 36 mois (1).

Cette dernière  étude  n’a pas démontré de supériorité de la colchicine dans la prévention secondaire de récidive d’infarctus, de mortalité cardiovasculaire, d’accident vasculaire cérébral ou de revascularisation coronarienne en urgence.

Il est important de prendre en compte le profil de sécurité de la colchicine (2), tout particulièrement chez des patients d’emblée fragiles en période aiguë post-infarctus. En effet, les différentes études évoquent des effets indésirables semblables dans les deux groupes (colchicine et placebo). Cependant on constate des différences importantes selon l’effet considéré. L’étude COLCOT (3) recense plus de cas de pneumonie (0.9% vs 0.4% ; p = 0.03), nausées (1.8% vs. 1.0%, P = 0.02) et flatulences (0.6% vs 0.2%, p = 0.02) dans le groupe colchicine, et ce de manière significative. Il existe également une augmentation non significative du nombre d’infections dans le groupe colchicine (2.2% vs 1.6%, p = 0.15)(2). L’étude CLEAR (1) retrouve une prédominance nette et significative des cas de diarrhées dans le groupe colchicine (10.2% vs 6.6% ; p < 0.001).

L’avis de la SFPT

Au vu de la littérature disponible sur ce sujet, la SFPT recommande de ne pas proposer l’introduction de la colchicine en prévention secondaire d’évènements cardiovasculaires majeurs après syndrome coronarien aigu.

Pour approfondir

Concernant la colchicine en post syndrome coronarien aigu.

L’étude COLCOT (3) publiée en 2019 dans le New England Journal of Medecine évaluait la colchicine à faible dose (0.5mg par jour) vs. placebo chez des patients ayant présenté un infarctus du myocarde dans les 30 jours avant début du traitement (médiane de 13.5 jours). Le critère de jugement principal (CJP) était composite : mortalité cardiovasculaire, arrêt cardiaque récupéré, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou hospitalisation urgente pour angine de poitrine avec nécessité d’une revascularisation coronarienne. Après un suivi médian de 22.6 mois, il a été démontré une différence significative sur le CJP entre les deux groupes en faveur de la colchicine (5.5% d’évènements dans le groupe colchicine vs 7.1% dans le groupe placebo, soit un hazard ratio 0.77 ; 95% confidence interval [CI] 0.61 à 0.96, p = 0.02 by the log-rank test). Cependant, en évaluant chaque composant du CJP, on note que la colchicine a permis une réduction significative des cas d’accident vasculaire cérébral et de revascularisation coronarienne en urgence seulement. En effet, il n’y avait aucune différence significative de la colchicine dans la survenue d’infarctus du myocarde ou dans la mortalité cardiovasculaire, et aucun bénéfice sur la mortalité toute cause (3).

En 2020, l’étude « Colchicine in Patients With Acute Coronary Syndrome - The Australian COPS Randomized Clinical Trial » est publiée dans la revue Circulation (4). Les patients adultes ayant présenté un syndrome coronarien aigu (avec preuves de coronaropathie sur angiographie coronarienne) et qui répondaient aux critères d’inclusion ont été répartis en deux groupes (colchicine vs. placebo) et suivis pendant 12 mois. A noter que les patients dans le groupe colchicine ont reçu 1mg par jour pendant 30 jours puis 0.5mg par jour au long cours. Le CJP était composite : mortalité toute cause, syndrome coronarien aigu, revascularisation coronarienne urgente (cause ischémique) et accident vasculaire cérébral non cardio-embolique. La colchicine (en supplément des traitements recommandés) n’a pas modifié significativement le CJP. Les auteurs rapportent un taux de mortalité toute cause significativement plus élevée dans le groupe colchicine (8 vs. 1 ; P=0.017, log-rank). Parmi les 8 décès dans le groupe colchicine, 5 patients prenaient toujours ce traitement au moment du décès (qui était de cause cardiovasculaire pour 3 d’entre eux).

Une autre étude a été publiée en 2024 dans le New England Journal of Medecine, visant à évaluer le bénéfice au long cours de la colchicine après introduction précoce chez les patients ayant présenté un syndrome coronarien (4). En effet, la colchicine (donnée à 0.5 mg par jour) a été initiée moins de 30h après apparition des symptômes initiaux évoquant un syndrome coronarien aigu. Les patients ont été suivis pendant une durée médiane de 3 ans et le CJP était composite : mortalité cardiovasculaire, récidive d’infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou revascularisation coronarienne urgente (pour cause ischémique). Contrairement à l’étude COLCOT, aucun bénéfice dans la réduction du CJP ou de l’incidence de chaque composant de ce dernier.

Les auteurs de ces différentes publications n’ont pas pu retrouver de différences notables permettant d’expliquer les résultats divergents. En effet, les études sont très comparables avec des populations semblables, des posologies d’administration de la colchicine quasiment identiques et des CJP similaires. Une différence qu’on peut évoquer est la période de suivi plus ou moins longue selon les études.

Concernant la colchicine en post syndrome coronarien chronique

La Société Européenne de Cardiologie (European Society of Cardiology, ESC) a récemment réévalué le niveau d’indication de la colchicine à faible dose (0.5 mg par jour) dans la prévention d’évènements cardiovasculaires majeurs chez ces patients atteints de SCC avec une coronaropathie athéromateuse. En effet, la recommandation a été relevée en 2024 de la classe IIb (« peut être considéré ») à la classe IIa (« devrait être considéré ») avec un niveau de preuve A (« données issues de plusieurs essais cliniques randomisées ») (voir tableau ci-dessous).

ESC

Références

  1. Jolly SS, d’Entremont MA, Lee SF, Mian R, Tyrwhitt J, Kedev S, et al. Colchicine in Acute Myocardial Infarction. N Engl J Med. 2024;0(0):10. https://doi.org/10.1056/NEJMoa2405922
  2. Réseau français des CRPV : ce qu’il faut savoir sur la colchicine https://www.rfcrpv.fr/ce-quil-faut-savoir-sur-la-colchicine/
  3. Tardif JC, Kouz S, Waters DD, Bertrand OF, Diaz R, Maggioni AP, et al. Efficacy and Safety of Low-Dose Colchicine after Myocardial Infarction. N Engl J Med. 26 déc 2019;381(26):2497‑505. https://doi.org/10.1056/nejmoa1912388
  4. Tong DC, Quinn S, Nasis A, Hiew C, Roberts-Thomson P, Adams H, et al. Colchicine in Patients With Acute Coronary Syndrome. Circulation. 17 nov 2020;142(20):1890‑900. https://doi.org/10.1161/circulationaha.120.050771
  5. Vrints C, Andreotti F, Koskinas KC, Rossello X, Adamo M, Ainslie J, et al. 2024 ESC Guidelines for the management of chronic coronary syndromes. Eur Heart J. 29 sept 2024;45(36):3415‑537 https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehae177
  • Dernière mise à jour le .