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#F011 Intérêt de la pharmacogénétique dans la prévention de la iatrogénie médicamenteuse

De quoi parle-t-on ?

Publication des résultats d’un essai clinique portant sur l’intérêt de l’implémentation d’un passeport de pharmacogénétique pour réduire la iatrogénie médicamenteuse [1].

Pourquoi a-t-on choisi d’en parler ?

La pharmacogénétique, qui s’attache à étudier avec une expertise pharmacologique l’impact de certaines variations génétiques (polymorphismes) sur le profil de réponse aux médicaments, fait l’objet d’un intérêt grandissant depuis une vingtaine d’années. En témoigne l’augmentation récente du nombre d’essais randomisés portant sur le bénéfice de certains tests pharmacogénétiques pour l’optimisation de traitements pharmacologiques, tant en termes d’efficacité que de sécurité d’emploi [2–4]. En ne se limitant pas uniquement à un médicament ou à une classe thérapeutique, cette étude est la première à s’être intéressée à évaluer l’intérêt de la remise d’un « passeport pharmacogénétique » (impliquant un panel de 12 gènes susceptibles d’impacter la réponse à plusieurs classes thérapeutiques), pour réduire le risque de survenue d’effets indésirables.

L’avis de la SFPT

Cette étude européenne montre la faisabilité de l’implémentation à large échelle d’un panel de tests pharmacogénétiques pour optimiser le choix et l’adaptation des médicaments lors du parcours de soins des patients. Cette étude souligne l’intérêt qui doit être porté à l'analyse et à l’évaluation des approches de médecine de précision étudiant l’impact des sources de variabilités sur la réponse aux médicaments. Elle montre également l’importance pour les professionnels de santé, autant hospitaliers que libéraux, de se former à ces approches qui ont vocation à davantage se développer.

Pour approfondir

Principal résultat de l’étude

L’étude PREPARE est un essai clinique randomisé en cluster (pays) et contrôlé en cross-over qui a inclus un total de 6 944 patients issus de 7 pays européens (Autriche, Grèce, Italie, Pays-Bas, Slovénie, Espagne, Royaume-Uni) entre 2017 et 2020. L’intervention consistait en la remise d’un « passeport pharmacogénétique » accompagnée de recommandations thérapeutiques (modification posologique, alternative thérapeutique) sur la base des résultats du génotypage préemptif d’un panel de 12 pharmacogènes impliquant 42 médicaments de 12 classes thérapeutiques distinctes. Les patients du groupe contrôle ont été traités selon les recommandations habituelles, le génotypage ayant été effectué à postériori, en fin d’étude. Pour être éligible, les patients devaient notamment être majeurs et recevoir une primo-prescription d’un médicament appartenant au panel de couples médicament/pharmacogène étudié pour une durée de traitement d’au moins 7 jours. Parmi ces médicaments figuraient notamment certains antidépresseurs, anticancéreux, immunosuppresseurs ou des antithrombotiques. Les professionnels de santé impliqués bénéficiaient également d’un programme de formation pour les sensibiliser à la pharmacogénétique et à l’interprétation des résultats.
Au total, la remise d’un « passeport pharmacogénétique » au patient, assorti de recommandations thérapeutiques délivrées aux médecins hospitaliers et de maisons de santé, et aux pharmaciens d’officine, était associée à une réduction significative de l’incidence des effets indésirables rapportés par le patient après 3 mois de suivi (odds-ratio ajusté 0,70, intervalle de confiance à 95% [0,61-0,79]).

Iatrogénie médicamenteuse et pharmacogénétique

Selon une récente étude nationale prospective du Réseau Français des Centres Régionaux de Pharmacovigilance, la iatrogénie médicamenteuse serait responsable d’environ 200 000 hospitalisations et de plus de 2500 décès chaque année en France [5]. Cette étude a estimé que 16% de ces effets indésirables médicamenteux seraient évitables [5]. Le caractère évitable est jugé au regard du respect des recommandations de bon usage des médicaments dont certaines peuvent impliquer l’adaptation des thérapeutiques selon des résultats pharmacogénétiques. À ce jour en France, l’obligation réglementaire de réaliser un test génotypique ou phénotypique avant l’initiation d’un traitement ne concerne qu’un nombre limité de médicaments, incluant l’abacavir (allèle HLA*B57:01), les fluoropyrimidines telles que le 5-fluorouracile et la capécitabine [uracilémie plasmatique reflétant l’activité de la dihydropyridine déshydrogénase (DPD)] et l’éliglustat (gène CYP2D6) [6]. La France, sous l’égide de la Haute Autorité de Santé (HAS), a par ailleurs été le premier pays au monde à avoir mis en place une stratégie nationale de dépistage des patients déficitaires en DPD avant l’instauration d’un traitement par 5-fluorouracile ou capécitabine [7].
En outre, de nombreuses recommandations de dépistage ont été émises par le Réseau Francophone de Pharmacogénétique (RNPGx) [6]. Plus de cinquante laboratoires de biologie médicale (essentiellement hospitaliers) proposent des tests de pharmacogénétique sur le territoire national [8], avec pour certains des approches en panel. En 2021, 18 966 patients ont bénéficié d’une analyse pharmacogénétique [8]. Les 12 gènes du passeport de l’étude européenne font partie de ceux analysés. Les polymorphismes de ces gènes intéressent principalement les gènes codant pour des protéines impliquées dans le transport et le métabolisme des médicaments, mais peuvent également concerner les récepteurs directement ciblés par les médicaments ou encore certains gènes impliqués dans les réponses immunitaires.

Références

  1. Swen JJ, van der Wouden CH, Manson LE, et al (2023) A 12-gene pharmacogenetic panel to prevent adverse drug reactions: an open-label, multicentre, controlled, cluster-randomised crossover implementation study. The Lancet 401:347–356. https://doi.org/10.1016/S0140-6736(22)01841-4
  2. Mallal S, Phillips E, Carosi G, et al (2008) HLA-B*5701 screening for hypersensitivity to abacavir. N Engl J Med 358:568–579. https://doi.org/10.1056/NEJMoa0706135
  3. Claassens DMF, Vos GJA, Bergmeijer TO, et al (2019) A Genotype-Guided Strategy for Oral P2Y12 Inhibitors in Primary PCI. N Engl J Med 381:1621–1631. https://doi.org/10.1056/NEJMoa1907096
  4. Oslin DW, Lynch KG, Shih M-C, et al (2022) Effect of Pharmacogenomic Testing for Drug-Gene Interactions on Medication Selection and Remission of Symptoms in Major Depressive Disorder: The PRIME Care Randomized Clinical Trial. JAMA 328:151–161. https://doi.org/10.1001/jama.2022.9805
  5. Laroche M-L, Gautier S, Polard E, et al (2023) Incidence and preventability of hospital admissions for adverse drug reactions in France: A prospective observational study (IATROSTAT). Br J Clin Pharmacol 89:390–400. https://doi.org/10.1111/bcp.15510
  6. Barin-Le Guellec C, Picard N, Alarcan H, et al (2020) [Pharmacogenetics for patient care in France: A discipline that evolves!]. Therapie 75:459–470. https://doi.org/10.1016/j.therap.2019.09.006
  7. Cancer : recherche d’un déficit en enzyme dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) avant chimiothérapie. In: Haute Autorité de Santé. https://www.has-sante.fr/jcms/c_2966449/fr/cancer-recherche-d-un-deficit-en-enzyme-dihydropyrimidine-deshydrogenase-dpd-avant-chimiotherapie. Accessed 22 Mar 2023
  8.  Agence de la biomédecine. https://rams.agence-biomedecine.fr/.  
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