#F008 Vaccination contre la COVID-19 et grossesse
De quoi parle-t-on ?
De l’intérêt de la vaccination contre la COVID-19 pendant la grossesse dans la prévention des formes graves chez les femmes enceintes et la protection des nouveaux nés.
Pourquoi a-t-on choisi d’en parler ?
Une étude publiée fin Janvier 2023 dans The Lancet [1] confirme que la vaccination permet de protéger les femmes enceintes vis à vis du surrisque de mortalité, et de morbidité maternelle et fœtale , en particulier lorsqu'elle est liée aux infections causées par le variant Omicron de la COVID-19.
Dans cette étude observationnelle internationale portant sur 4500 femmes enceintes, une infection causée par le variant Omicron de la COVID-19 est associée à un risque de morbidité maternelle, fœtale et un risque de forme sévère nécessitant une admission en service de soins intensifs augmenté de 50% pour la mère et/ou l’enfant. Ce risque est maximal chez les femmes enceintes non vaccinées qui ont 5 fois plus de risque de formes graves.
Cette étude permet de calculer l’effectivité de la vaccination, qui est modeste sur les infections asymptomatiques (30% pour un schéma complet plus rappel) mais confère une protection excellente contre les formes sévères mettant en jeu le pronostic vital de la mère et de l’enfant. Chez les patientes diagnostiquées positives au SARS-CoV2, une vaccination complète avec rappel récent par vaccin ARN messager est associée à une réduction de 94% des formes graves nécessitant une hospitalisation en soin intensif pour la mère et/ou l’enfant.
Les données de la littérature montrent que les infections COVID-19 sont associées à un surrisque de décès ainsi qu’un risque accru de complications de la grossesse (pré-éclampsie, naissance prématurée, et mortalité périnatale) [2]. D’autres études ont également démontré que l’efficacité de la vaccination durant la grossesse est similaire à celle en population générale [3], avec un profil de sécurité rassurant, tant sur les réactions pour les femmes enceintes que sur l’évolution de la grossesse [4, 5]. La vaccination précoce n’augmente pas le risque de fausse couche [6]. De plus, la vaccination pendant la grossesse diminue le risque d’infection des nouveaux nés [7]
Sur la base de ces données, la HAS et le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français recommandent la vaccination des femmes enceintes dès le premier trimestre, ainsi qu’un rappel vaccinal pour les femmes dont la dernière dose date de plus de 6 mois [8].
L’avis de la SFPT
La vaccination complète avec rappel vaccinal pendant la grossesse est la manière efficace et sûre de protéger la femme enceinte, l’enfant à naître et le nouveau-né contre les risques liés à l’infection COVID-19, qui sont particulièrement graves dans ce contexte.
La SFPT rejoint donc les recommandations émises par la HAS et le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français, et réaffirme la recommandation de vaccination de toutes les femmes enceintes par ARN messager, quel que soit le terme de la grossesse et les comorbidités de la femme enceinte et recommande également la réalisation d’une dose de rappel si la dernière dose date de plus de 6 mois.
Pour approfondir:
L’analyse complète de la SFPT sur la vaccination des femmes enceintes peut être retrouvée sur notre site
De quoi parle la dernière étude réalisée pendant la période omicron [1]?
Il s’agit d’une étude prospective, observationnelle, multicentrique, internationale réalisée dans 18 pays dont la France, et qui compare 1545 femmes ayant été testées positives au SARS-CoV2 durant leur grossesse à 3073 femmes n’ayant pas été diagnostiquées positives au SARS-CoV2 durant leur grossesse, en période de prévalence majoritaire du variant Omicron (entre le 27 novembre 2021 et le 30 juin 2022).
L’étude s’intéresse aux complications de la grossesse, aux complications fœtales, périnatales, aux naissances prématurées et à la nécessité d’admission de la femme enceinte en service de soins intensifs.
Quels sont les résultats observés ?
Dans cette étude, chez les femmes enceintes quel que soit leur statut vaccinal, celles ayant été diagnostiquées positives au SARS-CoV2 (variant Omicron majoritairement) présentent une augmentation significative de l’Index de Morbidité maternelle, de Morbidité périnatale et une augmentation de 50% du risque d’admission en service de soins intensif. Il existe également une tendance non significative à l’augmentation du risque morbidité fœtale, de pré-éclampsie et de naissance prématurée.
Cette augmentation est d’autant plus importante que les symptômes de la COVID-19 sont sévères. Ainsi, une femme enceinte présentant une infection COVID-19 symptomatique (quel que soit la sévérité des symptômes) est exposée à une augmentation du risque de naissance prématurée de 20% et un doublement du risque de forme grave (nécessitant soins intensifs pour la mère et/ou l’enfant) par rapport à une femme enceinte qui n’a jamais été dépistée positive au SARS-CoV2 durant sa grossesse.
L’augmentation du risque liée à l’infection virale est maximale pour les femmes enceintes non vaccinées. En effet, dans les mêmes conditions que précédemment, une femme enceinte non vaccinée présentant une infection COVID-19 symptomatique (quel que soit la sévérité des symptômes) est exposée à une augmentation du risque de naissance prématurée de 33%, et une augmentation des formes graves mettant en jeu le pronostic maternel ou fœtal par un facteur 4,9.
Quel est le bénéfice de la vaccination ?
Ces données permettent de calculer l’effectivité de la vaccination en général (avec différentes plateformes vaccinales) dans cette population de femme enceinte. Celle-ci est modeste sur les formes avec peu ou pas de symptômes, puisque l’effectivité d’un schéma vaccinal complet est de 9% pour les infections confirmées. Elle peut être augmentée à 30% en cas de réalisation d’une dose de rappel récent (moins de 6 mois).
Cependant, on retrouve une bien meilleure effectivité de la vaccination sur les formes sévères et les complications materno-foetales associées à la COVID-19. Ainsi l’effectivité d’un schéma vaccinal initial est de 48% dans la protection contre les formes sévères, et augmente à 76% en cas de rappel récent.
Ces chiffres concernent cependant l’ensemble des vaccins. Les vaccins à ARN messager (Pfizer/BioNTech ou Moderna) présentent le meilleur profil d’effectivité, élevant ces mêmes chiffres à 56% et 81% respectivement. Chez les patientes diagnostiquées positives au SARS-CoV2, la vaccination par ARNm permettrait de réduire le passage à une forme grave dans 79% des cas avec un schéma initial et 94% des cas en cas de rappel récent. Ces chiffres suggèrent que la réalisation d’un rappel vaccinal récent permet de réduire l’exposition à un risque de forme grave par un facteur 3.5 (21%/6%).
Que savait-on de la vaccination et de la grossesse avant cette étude ?
Durant la grossesse :
Il est recommandé de se faire vacciner par un vaccin à ARNm dès le 1er trimestre de grossesse [9]. La HAS, soutenue par le Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français, recommande une dose de rappel vaccinal chez les femmes enceintes, quel que soit le terme de la grossesse, lorsque la dose précédente date de plus de 6 mois. [8]
Risque accru de COVID-19 grave pendant la grossesse
Plusieurs études révèlent que les femmes enceintes présentent un risque plus élevé de développer une forme grave de COVID-19 [2, 10-12] avec un sur-risque de décès (risque relatif RR = 1,7) [2]. Les femmes enceintes présentant des comorbidités (surpoids, hypertension, diabète etc.) semblent présenter un risque accru de développer des formes sévères de la COVID-19, notamment au cours du 3ème trimestre de grossesse. La COVID-19 pendant la grossesse est également associée à un risque accru de complications spécifiques à la grossesse : pré-éclampsie, naissance prématurée et mortalité périnatale [12-16].
Efficacité et sécurité du vaccin ARNm pendant la grossesse
Il a été montré que le vaccin par ARNm est aussi efficace pour les femmes enceintes que pour la population générale [3].
Les études chez l’animal n’ont pas mis en évidence d’effets délétères sur la gestation [17], le développement embryonnaire et fœtal. Chez la femme enceinte, une étude prospective publiée dans le New England Journal of Medicine, suivant une cohorte de femmes entre 16 et 54 ans, vaccinées et enceintes ou enceintes après la vaccination par un vaccin à ARNm n’a pas montré d’augmentation des effets indésirables locaux et systémiques dans cette population par rapport à la population générale. Dans une deuxième cohorte de 3958 femmes enceintes au moment de la vaccination par un vaccin à ARNm l’étude ne retrouve pas d’augmentation des complications de la grossesse (avortement spontané, naissance prématurée etc.) par rapport à ceux attendus dans cette population [4]. Une étude canadienne publiée en août 2022 sur près de 43000 femmes enceintes vaccinées par vaccin à ARNm conclut à la même absence de sur risque. [5]
Ainsi, en France, la vaccination avec une dose de rappel est recommandée pour les femmes enceintes, quel que soit le terme de la grossesse[8, 9] avec un espacement des doses de 6 mois.
Malgré ces données, la couverture vaccinale est plus faible chez les femmes enceintes : 32 % des femmes ayant accouché en octobre 2021 avaient reçu deux doses de vaccin, contre 77 % pour l'ensemble des femmes [16].
Vaccination pendant l’allaitement :
L’allaitement peut être poursuivi après une vaccination par un vaccin à ARNm. On ne retrouve pas de passage du vaccin chez l’enfant
Une étude réalisée à Singapour a montré de très faibles quantités d’ARNm, sans possibilité de différencier les résidus des ARNm fonctionnels, chez 4 des 35 femmes participantes (en moyenne 0.02% de la dose injectée). Aucun des enfants testés ne présentait d’ARNm dans le sang, probablement grâce à une dégradation dans le système digestif [19].
En revanche, des anticorps de type A et IgG spécifiques anti SARS-CoV2 sont sécrétés dans le lait après la vaccination [20]. Par analogie avec d’autres maladies infectieuses (comme la coqueluche [21] ou la grippe), il est possible que les anticorps transmis de la mère à l’enfant dans le troisième trimestre de grossesse puis par le lait expliquent cette protection observée chez les nouveaux nés de femmes vaccinées.
Au vu de ces éléments, la HAS stipule désormais (en compléments des recommandations de février 2021) que la vaccination par un vaccin à ARNm est envisageable chez une femme qui allaite.
Protection des nouveaux nés
Une étude norvégienne parue en juin 2022 [7], réalisée chez la population générale en période de prédominance des variants Delta puis Omicron, chez plus de 21000 enfants durant les 4 premiers mois de leur vie, montre un taux de contamination par le SARS-CoV2 (PCR positive) inférieur chez les nouveaux nés de mère vaccinée par vaccin à ARNm : Lors de la période de prédominance du variant Delta, le nombre d’infection était inférieur de 64% dans le groupe des nouveau nés de mères vaccinées (1.2 vs. 3 cas par 10 000 jours de suivi) et inférieur de 27% lors de la période de prédominance du variant Omicron (7 vs 10.9 cas par 10 000 jours de suivi). Le nombre de doses de vaccins semblait corrélé à une plus grande diminution de la contamination. Ce résultat est important puisqu’il suggère un effet protecteur passif du nouveau-né par la vaccination maternelle, alors que ces enfants présentent des infections plus sévères que les enfants plus âgés et qu’il n’existe pas de vaccin pour les moins de 6 mois. Une autre étude américaine [18] parue en juillet 2022, confirme ces données et les précise en montrant une diminution du nombre et de la gravité des infections COVID-19 (moins de recours aux soins intensifs) chez les nouveaux nés de mères vaccinées avec deux doses. La protection semble maximale lorsque la deuxième injection est réalisée le troisième trimestre. La transmission d’anticorps par le sang du cordon et le lait maternel ainsi que la baisse de transmission du coronavirus par les mères vaccinées, peuvent expliquer ce résultat. Cette étude ne mettait pas en évidence plus d’effets indésirables chez les femmes vaccinées.
La vaccination de la mère pendant la grossesse protège le nouveau-né d’une forme grave de COVID-19
Vaccins bivalents
Il n’y a pas encore de données disponibles concernant les vaccins bivalents mais, considérant la similarité des deux vaccins et le profil de sécurité équivalent dans les études cliniques déjà parues, ces formules sont autorisées par l’European Medicines Agency (EMA) pendant la grossesse.
Références :
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- Zambrano LD, et al. Update: Characteristics of Symptomatic Women of Reproductive Age with Laboratory-Confirmed SARS-CoV-2 Infection by Pregnancy Status - United States, January 22-October 3, 2020. MMWR Morb Mortal Wkly Rep. 6 nov 2020;69(44):1641‑7.
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- Zauche LH, et al. CDC v-safe Covid-19 Pregnancy Registry Team. Receipt of mRNA Covid-19 Vaccines and Risk of Spontaneous Abortion. N Engl J Med. 2021 Oct 14;385(16):1533-1535. doi: 10.1056/NEJMc2113891. Epub 2021 Sep 8. PMID: 34496196; PMCID: PMC8451181.
- Carlsen EØ, et al. Association of COVID-19 Vaccination During Pregnancy With Incidence of SARS -CoV-2 Infection in Infants. JAMA Internal Medicine. 2022 Jun 1 [cited 2022 Jun 7]; Available from: https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2793109
- Covid-19 : une dose de rappel vaccinal additionnelle ouverte à davantage de personnes et des délais précisés
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