Accéder au contenu principal
Recevez par mail les nouveaux posts du blog

#F006 Les médicaments vasoconstricteurs pour le traitement des symptômes liés au rhume

De quoi parle t-on ?

Des médicaments contenant des vasoconstricteurs décongestionnants de la sphère ORL contenant de la pseudoéphédrine (DOLIRHUME®, RHUMAGRIP®, ACTIFED RHUME JOUR ET NUIT®…) indiqués dans la prise en charge des symptômes liés au rhume.

Pourquoi a-t ’on choisi d’en parler ?

Le rhume ou rhinopharyngite est une pathologie fréquente et bénigne de l’hiver presque exclusivement d’origine virale. Les symptômes d’un rhume, bien que non graves, peuvent être gênants pour les patients. Ils associent notamment une rhinorrhée souvent claire puis purulente à une obstruction nasale et peuvent s’accompagner d’une fièvre modérée durant souvent moins de 3 jours, de douleurs musculaires diffuses et secondairement d’une toux (dans le cadre d’une pharyngite, laryngite ou bronchite). Le traitement du rhume est purement symptomatique. Il repose en premier lieu sur un lavage des fosses nasales avec une solution de sérum physiologique et la prise de paracétamol en cas de fièvre ou de douleurs musculaires. Une bonne hydratation du patient ainsi qu’une aération de l’environnement sont recommandés. Les médicaments contenant des vasoconstricteurs décongestionnants de la sphère sont largement utilisés et banalisés dans cette indication depuis de nombreuses années.

Ce qu’en pense la SFPT :

La SFPT rappelle que les médicaments contenant des vasoconstricteurs décongestionnants n’ont aucune place dans la prise en charge des symptômes du rhume. Ces médicaments anciens n’ont jamais fait la preuve de leur efficacité, il n’y a pas d’étude ayant montré de différence avec un placebo sur des critères cliniquement pertinents. Ils exposent par ailleurs à des effets indésirables « très rares » mais « très graves » notamment cardiovasculaires (type d’infarctus du myocarde et de crises hypertensives), neurologiques (AVC) ou psychiatriques (hallucinations, épisodes psychotiques).

Pour approfondir:

Il s’agit de médicaments utilisés par voie orale et non soumis à prescription médicale obligatoire (en vente libre en officine, derrière le comptoir) contenant de la pseudoéphédrine en association au paracétamol (pseudoéphédrine+paracétamol dans le DOLIRHUME®, dans le RHUMAGRIP®, dans le comprimé jour de l’ACTIFED RHUME JOUR ET NUIT® et de l’HUMEX RHUME®, également associés à un antihistaminique H1, la doxylamine dans le DOLIRHUMEPRO® et la triprolidine dans l’ACTIFED RHUME®), à l’ibuprofène (NUROFEN RHUME®, RHINADVIL RHUME®, RHINADVIL CAPS RHUME® et RHINUREFLEX®) ou à un antihistaminique H1 seule (ACTIFED LP RHINITE ALLERGIQUE®). Cela concerne aussi des médicaments utilisés par voie nasale nécessitant une prescription médicale (liste II) contenant de la naphazoline en association à un corticoïde, la prednisolone (DERINOX®), de l’oxymétazoline seule (PERNAZENE® et ATURGYL®) ou en association à la prednisolone (DETURGYLONE®) ou du tuaminoheptane en association (avec du benzalkonium et de l’acétylcystéine dans le RHINOFLUIMUCIL®).
Ces principes actifs (pseudoéphédrine, naphazoline, oxymétazoline et tuaminoheptane) possèdent des propriétés pharmacodynamiques sympathomimétiques directs agissant sur les récepteurs alpha- et béta-adrénergiques et sympathomimétiques indirects en augmentant la libération de noradrénaline par les terminaisons nerveuses sympathiques.
Sur le plan pharmacologique, les médicaments vasoconstricteurs agissent sur les récepteurs adrénergiques alpha-1 situés sur les cellules musculaires lisses des vaisseaux sanguins de la muqueuse nasale (veinules post-capillaires), entraînant une vasoconstriction, une diminution du volume sanguin et une diminution du volume de la muqueuse nasale (décongestion nasale). Ils sont indiqués dans le traitement symptomatique du rhume malgré l’absence de bénéfice clinique pertinent démontré.
Pour ces médicaments, la durée maximale de traitement est de 5 jours, ils ne doivent pas être associés entre eux (notamment pas d’association entre une voie orale et une voie nasale). Ils sont contre-indiqués chez les enfants de moins de 15 ans et chez les patients possédant des facteurs de risques cardiovasculaires (hypertension artérielle non traitée, antécédent d’accident vasculaire cérébral, coronaropathie) ou des antécédents de convulsions. Ils ne doivent pas être pris pendant la grossesse et l’allaitement.
Ces médicaments par voie orale et par voie nasale exposent à un risque certes « très rares » mais  « très graves » (et inacceptables, des cas ayant conduits au décès des patients) d’effets indésirables en lien avec leur propriété vasoconstrictrice notamment cardiovasculaires à type d’infarctus du myocarde et de crises hypertensives, et neurologiques centraux à type d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques ou de syndrome de vasoconstriction cérébrale réversible, quelle que soit la dose et la durée d’exposition. D’autres effets indésirables en lien avec une vasoconstriction ont été reportés : nous pouvons citer pour exemple les colites ischémiques ou les atteintes rétiniennes ischémiques. Ces effets surviennent chez des patients possédants ou non des facteurs de risque cardiovasculaire (parmi les cas d’infarctus du myocarde de la dernière enquête de pharmacovigilance réalisée en 2019, 90% des patients possédaient des facteurs de risque, il s’agissait de 64% des patients ayant présenté un accident vasculaire cérébral). Un mésusage (association de deux médicaments vasoconstricteurs, prise supérieure à 5 jours pouvant aller parfois jusqu’à plusieurs années pour certains patients, usage chez l’enfant de moins de 15 ans, prise chez un patient possédant une contre-indication) est fréquemment observé parmi les patients présentant des effets indésirables graves (allant de 1/3 à ½ cas dans la dernière enquête de pharmacovigilance). Ces médicaments exposent également à des convulsions et à des troubles psychiatriques à type d’hallucinations.
Dans un objectif de réduction du risque de survenue d’effets indésirables et de mésusage associés à ces médicaments, deux mesures ont été mise en place avec l’interdiction de publicité auprès du grand public sur les spécialités par voie orale à base de pseudoéphédrine en décembre 2017 ainsi que la mise à disposition en 2020 par l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments, de fiches d’information à destination des patients et d’aide à la dispensation à destination des pharmaciens.
Malgré les mesures de réduction du risque et compte tenu du risque largement connu d’effets indésirables graves de ces médicaments, de leur absence d’efficacité démontré dans une pathologie bénigne et spontanément résolutive, du mésusage observé et de la large banalisation de ces médicaments, la SPT rappelle que ces médicaments n’ont aucune place dans la prise en charge des symptômes du rhume.
Le traitement du rhume est purement symptomatique. Il repose en premier lieu sur un lavage des fosses nasales avec une solution de sérum physiologique et la prise de paracétamol en cas de fièvre ou de douleurs musculaires. Une bonne hydratation du patient ainsi qu’une aération de l’environnement sont recommandés. La réalisation d’un test de dépistage du COVID-19 est désormais vivement recommandée en cas de symptômes faisant évoquer un rhume, ainsi que l’application des gestes barrières.

Rappelons pour finir l’adage populaire : « un rhume non soigné dure 7 jours, soigné il dure une semaine ».

Références :

  • Couloigner V, Bonfils P, Bondon-Guitton E. Benefits, limits and danger of ephedrine and pseudoephedrine as nasal decongestants. Eur Ann Otorhinolaryngol Head Neck Dis. 2015;132:31-4. doi: 10.1016/j.anorl.2014.11.001.
  • Deckx L, De Sutter AI, Guo L, Mir NA, van Driel ML. Nasal decongestants in monotherapy for the common cold. Cochrane Database Syst Rev. 2016;10:CD009612. doi: 10.1002/14651858.CD009612.pub2.
  • van Driel ML, Scheire S, Deckx L, Gevaert P, De Sutter A. What treatments are effective for common cold in adults and children? BMJ. 2018;363:k3786. doi: 10.1136/bmj.k3786.
  • Lafaurie M, Olivier P, Khouri C, Atzenhoffer M, Bihan K, Durrieu G, Montastruc JL. Myocardial infarction and ischemic stroke with vasoconstrictors used as nasal decongestant for common cold: a French pharmacovigilance survey. Eur J Clin Pharmacol. 2020;76:603-604. doi: 10.1007/s00228-019-02807-w.
  • Agence Nationale de Sécurité des Médicaments – L’ANSM souhaite sécuriser l’utilisation des vasoconstricteurs. Décembre 2019. https://ansm.sante.fr/actualites/lansm-souhaite-securiser-lutilisation-des-vasoconstricteurs
  • Agence Nationale de Sécurité des Médicaments - Rhume, nez qui coule, nez bouché ? Attention : l’utilisation des vasoconstricteurs expose à des risques, soyez vigilants. Décembre 2021. https://ansm.sante.fr/actualites/rhume-nez-qui-coule-nez-bouche-attention-lutilisation-des-vasoconstricteurs-expose-a-des-risques-soyez-vigilants

Mésusage, Médicaments en vente libre

  • Dernière mise à jour le .