2.4 L’erreur de raisonnement par « Post hoc ergo propter hoc »

     

« Post hoc ergo propter hoc » (après cela donc à cause de cela) note n° 17 [58] est une erreur de raisonnement qui se rencontre fréquemment dans les argumentations en faveur du bénéfice ou d’un effet indésirable de traitement. L’erreur consiste à prendre comme cause ce qui n’est qu’un antécédent, sans relation avec le phénomène observé. Cela revient à établir comme fait une coïncidence.

Cette problématique est très connue en pharmacovigilance. Ce n’est pas parce qu’un évènement indésirable survient pendant la prise d’un médicament (donc après la prise du médicament) que ce médicament est la cause de l’évènement, et cela d’autant plus que l’évènement est banal.

En logique formelle la cause est forcément antécédente, mais le caractère antécédent n’établit pas à lui seul la causalité. Le sens commun (le bon sens) se fait fréquemment abuser par cette erreur de raisonnement.

En médecine, ce type de raisonnement est à la base des observations anecdotiques (anecdotal reports ou études des cas) [59] . Ce n’est pas parce qu’il est possible de noter chez un patient (ou plusieurs) une amélioration de leur état après l’administration d’un traitement que cette amélioration est due au traitement. Cela peut provenir d’une simple coïncidence, qui peut se répéter s’il existe un facteur de confusion liée à l’administration du médicament comme le temps avec la guérison spontanée, la régression à la moyenne, ou encore la co-administration d’autres traitements. Bien entendu, si le traitement est efficace il provoquera bien l’amélioration des patients après son administration, mais la réciproque n’est pas vraie (amélioration après traitement n’implique pas forcément que le traitement soit efficace) note n° 18 . Ainsi un « anecdotal report » ne peut pas constituer un argument en faveur d’un changement dans la stratégie thérapeutique note n° 19 note n° 20 .

L’appellation courante « résultat post hoc » désigne un résultat ne correspondant pas à un objectif initial de l’étude, mais qui est mis en avant du fait de sa nature. Par exemple dans un essai d’un traitement de prévention cardiovasculaire, une moindre fréquence du cancer de la prostate avec la molécule testée est notée par rapport au placebo, amenant à conclure que cette molécule prévient le cancer de la prostate. Ce type de résultat est très fragile, car la conclusion est faite uniquement d’après le résultat observé, donc « post hoc propter ergo hoc » ! Le raisonnement est entièrement tautologique (paralogisme, dans le pire des cas sophisme), car on a l’idée de l’association uniquement d’après le résultat observé : le résultat obtenu est utilisé à la fois pour générer l’hypothèse et montrer que cette hypothèse est vraie (la vérification est donc obligatoire). C’est le raisonnement à la base du « HARKing » (cf. section 2.3).

Les autres limites des résultats post hoc proviennent de leur caractère purement exploratoire (ils n’étaient pas un objectif de l’étude) exposant à un risque important de découverte fortuite du fait de la multiplicité des comparaisons sous-jacente (nombre de cancers spécifiques envisagé dans notre exemple du cancer de la prostate).

Cette erreur de raisonnement (fallacy ) donne aussi une autre façon d’illustrer les limites des raisonnements purement inductifs (cf. section 2.3 et dossier compagnon n° 4)


[17] https://en.wikipedia.org/wiki/Post_hoc_ergo_propter_hoc

[18] C’est la différence entre  et.

[19] https://www.evidentlycochrane.net/personal-experiences-unreliable-evidence/

[20] https://s4be.cochrane.org/blog/2017/06/16/1-2-anecdotes-are-unreliable-evidence/