2. Principes fondamentaux

     

La distinction entre un argument solide en faveur de l’intérêt clinique d’un médicament et ce qui ne peut pas l’être s’effectue suivant le principe, jusque-là couramment admis, de l’impérative nécessité d’obtenir des preuves « au-delà de tout doute raisonnable note n° 8 ». La méthodologie a ainsi été établie en identifiant les conditions nécessaires à l’obtention de résultats robustes « au-delà de tout doute raisonnable » avant de recommander l’utilisation d’un nouveau médicament (ou d’une nouvelle indication).

La nécessité d’obtenir des preuves formelles de l’intérêt clinique des nouveaux médicaments est parfois remise en cause, en argumentant que cette recherche est trop exigeante et trop lourde à effectuer, rendant impossible l’évaluation de certains traitements qui pourraient cependant remplir une place vacante dans la stratégie thérapeutique note n° 9 (cf. section 4.2). Cette approche revendique que des éléments de présomptions d’efficacité, comme le mécanisme d’action ou des avis d’expert, sont suffisants pour adopter un nouveau traitement afin de ne pas en priver les patients. Il faut cependant rappeler que la régulation des médicaments a été mise en place dans les années 60 note n° 10 sur le constat qu’une telle approche conduisait à la promotion et à l’utilisation de traitements sans utilité en grand nombre [40 , 41] . De nombreux exemples ont également montré qu’une telle démarche pouvait s’avérer dangereuse.

Souvent la méthodologie est réduite au périmètre du design de l’étude (essais contrôlés randomisés en double aveugle) mais les problématiques à régler sont bien plus larges. Certaines sont des éléments de la méthode scientifique de base, communes à tous les domaines des sciences. D’autres sont de l’ordre des pratiques de recherche, de publications ou d’exploitations promotionnelles des résultats et sont plus spécifiques au champ de l’évaluation des médicaments (bien qu’aussi rencontrées dans d’autres domaines).

La méthodologie, au sens large, a été construite à partir du constat qu’il est presque toujours possible de produire à partir des études de traitements sans efficacité des résultats apparemment en faveur de leur intérêt. Ainsi, ont été déterminées les conditions de robustesse que doit avoir un résultat pour qu’il puisse conduire à utiliser un nouveau médicament afin d’éviter d’utiliser à tort des traitements en pratique clinique


[8] Ce principe qui régit entre autres les exigences règlementaires d’enregistrement des médicaments a été emprunté au droit britannique (« beyond a reasonable doubt ») qui définit de cette manière le degré de certitude nécessaire pour condamner.

[9] À ce niveau on confond souvent la nécessité d’avoir un traitement (pour une condition clinique qui en est dépourvue par exemple) avec l’utilité de celui-ci (le candidat traitement est utile quand il est confirmé qu’il apporte une réelle solution au besoin non couvert). Une nouvelle proposition de traitement est souvent présentée comme « utile » parce que ce traitement aurait tout de suite une utilisation en raison d’un besoin non couvert. Mais solutionne-t-il effectivement le problème correspondant ? Il y a ainsi confusion du besoin avec l’utilité démontrée.

[10] 1962 avec le Kefauver-Harris Amendment to the FD&C Act qui impose que les nouveaux médicaments apportent des preuves substantielles ("substantial evidences") de leur efficacité.