Publié dans Covid19-FAQ.
#153 J'ai entendu qu'il y avait une alerte en pharmacovigilance, qu'est-ce que ça veut dire?
La réponse à cette question est issue d'un consensus d'experts.
Vous pouvez trouver une "première leçon" dans ce document. Celui-ci présente de façon simple et didactique les différents aspects de la pharmacovigilance et la génération d’une alerte.
Pour plus d'informations, vous pouvez également consulter le site du Réseau Français des Centres Régionaux de Pharmacovigilance
Résumé en vidéo ici: https://youtu.be/b4wPb22f_j0
Un évènement indésirable est un événement non souhaité et qui peut affecter la santé d’une personne (ex : une chute d’une échelle, un infarctus du myocarde). Lorsqu’il survient à la suite de la prise d’un médicament (on parle d’exposition médicamenteuse), et qu’un lien de causalité est suspecté entre cet évènement et le médicament, on parle d’effet indésirable. C’est le rôle des Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) d’évaluer ce lien de causalité entre cet événement et le médicament sur la base de critères chronologiques (un délai compatible entre l’exposition au médicament et la survenue de l’événement indésirable), de critères sémiologiques (causes médicales pouvant expliquer cet événement indésirable) et enfin de critères bibliographiques (analyse des bases de données et de la littérature médicale). Les CRPV recueillent ainsi des déclarations d’évènement indésirable ou de suspicion d’effet indésirable. Ce n’est qu’après cette analyse détaillée de la déclaration (et généralement du dossier médical dans son ensemble), et qu’un possible rôle causal du médicament est retenu, que cet évènement indésirable est appelé effet indésirable.
Cette nuance entre évènement et effet est particulièrement importante dans le cadre de la pharmacovigilance des vaccins et notamment dans le cadre d’une vaccination de masse comme c’est le cas contre la COVID-19. Du fait de la vaccination d’un très grand nombre de personnes, voire d’une population, sur une période relativement courte, le risque que des évènements indésirables soient observés, par hasard, dans les heures ou les jours suivant la vaccination n’est pas négligeable. Cela peut être le cas d’un accident de voiture, d’une embolie pulmonaire voire d’une mort subite. On parle alors de lien chronologique ou de coïncidence, mais pas de lien causal (c’est-à-dire que le vaccin n’a pas causé l’accident de voiture, l’embolie pulmonaire ou la mort subite, qui aurait été observé même sans vaccination chez cette personne).
Pour conclure, les rapports de pharmacovigilance, et notamment ceux des vaccins contre la COVID-19 fondés notamment sur l’analyse des notifications spontanées, sont une analyse des suspicions d’effet indésirable, tous les cas notifiés n’étant pas finalement considérés comme des effets indésirables après analyse. C’est un signe que le système de pharmacovigilance fonctionne correctement et que les effets indésirables suspectés sont signalés et analysés. C’est l’analyse globale de ces cas en regards des données de la littérature et des connaissances médicales et pharmacologiques qui permet de conclure à un effet indésirable ou non.
« Possible iceberg à l’horizon ! » vient d’alerter le capitaine du navire… Reste à vérifier qu’il s’agit bien d’un iceberg (pas d’un simple bloc de glace isolé), à en estimer la taille et à évaluer le risque de le percuter !
La sous-notification n’est donc pas un problème en soi, car l’alerte générée par quelques cas bien documentés est ensuite souvent complétée par des études de pharmaco-épidémiologie. La pharmaco-épidémiologie, c’est l’étude de l’utilisation et des risques liés à l’usage d’un médicament dans la population, c’est-à-dire dans ses conditions réelles d’utilisation, ou « vraie vie ». Elle sert notamment à quantifier les risques liés aux médicaments, en d’autres termes à estimer leur probabilité de survenue.
Les données de pharmacovigilance permettent de décrire les caractéristiques cliniques et épidémiologiques des cas (âge, sexe, délai de survenue, etc.), mais jamais de quantifier le risque. La pharmacoépidémiologie en utilisant des méthodes adaptées (études de terrain, études sur des bases administratives, etc.), permet de confirmer les signaux issus de la pharmacovigilance et d’apprécier le niveau de risque. Les deux démarches sont complémentaires. Le Groupement d’intérêt scientifique (GIS) EPI-PHARE a pour mission de piloter et de coordonner des études épidémiologiques en vie réelle dans le but d’éclairer les pouvoirs publics. Cette structure a recours au Système d'informations de dépistage (SI-DEP) et au Système d'information vaccin Covid (VAC-SI). Tout ceci permet de quantifier des signaux observés par la pharmacovigilance et d’apporter des éléments utiles à l’estimation de la balance bénéfices/risques associée à chaque vaccin.
Prenons l’exemple de la pioglitazone et des cancers de la vessie. La pioglitazone est un antidiabétique commercialisé à partir de 2000 sous le nom d’ACTOS. Quelques années après l’obtention de son AMM, émergent un faisceau d’arguments en faveur de son implication dans la survenue de cancers de la vessie : notifications spontanées de cas de cancers (chez des malades sans autres facteurs de risques) couplées à l’analyse des propriétés pharmacodynamiques (mécanisme d’action du médicament) et l’interprétation correcte des données animales. Ce risque sera confirmé à partir de 2010 par la majorité des études pharmaco-épidémiologiques et l’AMM de ce médicament sera finalement suspendue en France en 2011.
Pour autant, à l’heure actuelle, aucune méthode de détection de signaux utilisant des approches pharmaco-épidémiologiques au sein de bases de données ne parvient à égaler les performances de la notification spontanée. Les approches sont nécessairement complémentaires. La pharmacovigilance fournit par ses observations, des hypothèses de recherche que la pharmaco-épidémiologie permet d’explorer ensuite. La pharmacovigilance reste sans égale pour la détection des risques concernant des pathologies dont l’incidence est extrêmement faible dans la population (ex : hypertension artérielle pulmonaire).
Penser qu’il existe une méthode unique, plus performante et suffisante à l’évaluation parfaite de la sécurité du médicament après sa commercialisation est une erreur : c’est l’union qui fait la force !
En pharmacovigilance, la gravité d’un cas ou d’un effet indésirable correspond à une réaction qui a entrainé ou prolongé une hospitalisation, entrainé une mise en jeu du pronostic vital, une séquelle permanente, un décès ou une anomalie congénitale dans le cas spécifique des médicaments pris au cours de la grossesse. La personne qui signale l’effet indésirable (appelé ‘déclarant’), ou le pharmacologue qui évalue le cas, peut également considérer comme grave toute situation médicale particulièrement significative (exemple d’un effet indésirable ayant entrainé une altération des tâches de la vie quotidienne ou un arrêt de travail de quelques jours sans hospitalisation). Ces critères de gravité sont essentiels et définis internationalement par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Ils facilitent les analyses de pharmacovigilance et les discussions entre les autorités sanitaires de différents pays ou régions, comme entre l’European Medicine Agency (EMA) en Europe et la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis par exemple.
La gravité d’un effet indésirable n’est donc pas toujours superposable à la sévérité clinique ou à la gravité médicale d’une situation. Par exemple, dans certains cas, les syndromes pseudo-grippaux (associant fièvre, maux de tête et courbatures) survenant rapidement après une vaccination contre le COVID ont pu être considérés comme « graves » s’ils ont donné lieu à une incapacité temporaire de travailler. Néanmoins, ce type d’effet indésirable, attendu après toute vaccination et en lien avec la réactogénicité, n’est pas « grave » au sens médical car résolutif spontanément après 24-48h et sans conséquence à long terme.
Pour conclure, il convient de lire avec prudence les analyses de pharmacovigilance : la gravité d’un effet indésirable n’est pas toujours directement comparable à la sévérité clinique ou médicale.
Une fois le médicament commercialisé, c’est grâce à la déclaration des effets indésirables par tous les professionnels de santé et les patients, mais également grâce aux questions posées au Centre Régional de Pharmacovigilance (CRPV) par les professionnels de santé , que naissent les signaux.
Monsieur X a commencé un traitement pour l’asthme prescrit par son pneumologue. Depuis, il a l’impression d’être irritable, parfois agressif sans raison, il dort très mal et se plaint de faire des cauchemars toutes les nuits. Comme indiqué dans la notice, il en parle à son médecin qui décide d’arrêter le traitement. L’humeur du patient s’améliore rapidement.
Le médecin va alors signaler ce cas au CRPV dont il dépend (1). C’est la notification spontanée. Pour le professionnel de santé ou le patient, nul besoin d’avoir la certitude de la responsabilité du médicament pour signaler ; dès qu’un lien avec le médicament est suspecté, que cet effet soit grave ou non, bien connu ou non, la déclaration de cet effet doit être envoyée au CRPV.
Mais ce sont probablement les questions posées par les professionnels de santé (hospitaliers ou de ville), au sujet d’un patient ayant une pathologie dont ils souhaitent savoir si elle est due à un médicament qui constituent la plus importante source de signaux.
Prenons un exemple, Mme Y débute un nouveau traitement, quelques semaines plus tard, elle présente de la fièvre, une atteinte de la peau et du foie. Son médecin s’interroge : est-ce lié au traitement ? Il n’a jamais vu pareille réaction avec ce médicament et rien de tel n’est mentionné dans la monographie (2) du médicament… Il contacte alors son CRPV.
Les pharmacovigilants vont l’aider à confirmer qu’il s’agit bien d’une pathologie iatrogène (3) et à définir le ou les médicaments en cause. Une fois l’effet indésirable confirmé et le patient pris en charge, cette question deviendra une notification de pharmacovigilance. Cette activité d’aide au diagnostic des effets indésirables, représente environ 20 % des notifications annuellement transmises à l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM). Ces questions portent généralement sur des effets indésirables non encore rapportés, ce qui explique qu’elles soient fréquemment sources de signaux.
(1) Pour contacter le CRPV dont vous dépendez : https://www.rfcrpv.fr/contacter-votre-crpv/
Le réseau des CRPV est constitué de 31 Centres régionaux de pharmacovigilance et d’information sur le médicament (CRPV) animés par des pharmacologues cliniciens médecins et pharmaciens. Ces structures hospitalo-universitaires à vocation régionale, et indépendantes de l’industrie (le personnel devant déclarer tout lien d’intérêt), sont installées au sein de centres hospitaliers régionaux universitaires (CHRU).
(2) Monographie ou Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP) : document qui synthétise les informations notamment sur les indications, contre-indications, modalités d'utilisation et les effets indésirables d'un médicament. Cette information est plus particulièrement destinée aux professionnels de Santé (la notice, elle est destinée au patient). Disponible pour chaque médicament sur http://base-donnees-publique.medicaments.gouv.fr/
(3) Pathologie iatrogène (médicamenteuse) : ensemble des conséquences néfastes sur la santé d’un individu provoquées par un acte de soins et plus spécifiquement ici la prise d’un médicament
Tout l’enjeu du système de pharmacovigilance est de garantir que la balance bénéfices/risques de chaque médicament reste positive dans ses conditions d’utilisation quotidienne. Les nombreux signaux transmis par les Centres de Pharmacovigilance à l’ANSM conduisent annuellement à la prise de plusieurs centaines de mesures sanitaires. Si ces mesures sont variées et dépendent du niveau de risque (lettre d’information, ajout d’une interaction sur la notice d’un médicament, modification des conditions de prescription, réévaluation du rapport bénéfice/risque… jusqu’au retrait d’AMM), l’objectif lui, est unique : protéger les patients.
L’objectif de la pharmacovigilance est de repérer parmi les très nombreuses déclarations reçues, les signaux, c’est à dire le ou les cas qui nécessitent une alerte.
Rien que pour l’année 2018, les 31 centres régionaux de pharmacovigilance français ont individualisé parmi plus de 60 000 cas reçus, près de 500 notifications comme des signaux potentiels, signaux transmis à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) afin d’être examinés pour confirmer ou non l’existence d’une alerte (parmi eux 85% ont été validés). Une fois le signal reçu, l’alerte pourra, en fonction du type d’effet, être confirmée après une expertise de pharmacovigilance. Expertise qui repose sur l’analyse clinique et pharmacologique de l’ensemble des cas (reçus par les CRPV et le titulaire d’AMM) complétées des données européennes et de l’analyse bibliographique. Ainsi, le signal se transforme ou non en alerte !
On dit souvent que la pharmacovigilance souffre de la sous-notification, c’est à dire que la plupart des effets indésirables des médicaments ne sont pas déclarés. C’est exact, puisqu’on estime que seul un effet sur 10 est déclaré en France. Pourtant, entrevoir la pointe d’un iceberg suffit souvent pour mettre la sirène du bateau en marche et un seul cas, à la condition qu’il soit bien détaillé, peut constituer un signal !
La pharmacovigilance n’a pas pour vocation ni ambition de garantir l’exhaustivité́ du recueil des effets indésirables médicamenteux (« visualiser l’iceberg dans son ensemble »), encore moins de mesurer un risque (estimer le « risque de percuter l’iceberg »). Vouloir recueillir la totalité des effets indésirables, même en ne ciblant que les graves, est irréaliste, leur fréquence étant très élevée avec certains médicaments (anticancéreux par exemple). De plus, le recueil de tous les effets indésirables médicamenteux nécessiterait des moyens humains énormes tant pour leur déclaration que pour leur analyse et n’améliorerait probablement pas la détection de signal.
Les équipes des CRPV, des pharmacologues médecins et pharmaciens, reçoivent tous les jours les déclarations d’effets indésirables et évaluent le lien entre la pathologie et le médicament. En clair, ils enquêtent minutieusement pour chaque cas reçu pour confirmer ou infirmer la relation entre le ou les médicament(s) suspect(s) et la survenue de l’effet.
Identifier et confirmer quel est le médicament en cause est une étape indispensable. Elle permet d’aider le médecin pour la conduite à tenir ultérieure (par exemple contre-indiquer le médicament). Cette étape peu connue s’avère pourtant fondamentale tant pour la sécurité du patient concerné (la reprise du médicament en cause, s’il a été mal identifié pouvant être lourde de conséquences) que pour la qualité des cas saisis et leur exploitation ultérieure !
Pour cela, comme dans une enquête, il faut rassembler tous les indices. Ils retracent la chronologie, considèrent les autres causes possibles et recherchent dans la littérature médicale des mécanismes pouvant expliquer cet effet ou dans des bases de pharmacovigilance des cas d’effets similaires. Par exemple pour le cas de Mme X, d’autre cas en France, en Europe ou dans le monde ont peut-être déjà été signalés avec ce médicament. Mais, pour ne pas se tromper de piste il faut absolument que la déclaration soit suffisamment détaillée (on dit aussi « informative »).
Pendant la phase de recherche ou d’essais cliniques, les effets indésirables des nouvelles molécules font l’objet d’une attention toute particulière : ils sont scrutés, enregistrés, comptabilisés. Mais, parce que l’utilisation du médicament en pratique de soins est souvent différente de celle qui est faite dans le contexte très encadré des essais cliniques, la surveillance ne s’arrête pas le jour de l’Autorisation de Mise sur le Marché du médicament (AMM). Une fois le médicament pris par des milliers de malades (aux profils parfois bien éloignés de ceux des essais cliniques), la surveillance du médicament ne faiblit pas : des effets rares, complexes (liés au terrain du patient ou à des interactions médicamenteuses par exemple) ou tardifs peuvent survenir. C’est ce que l’on appelle un signal. Un signal, c’est une pathologie qui est rattachée à la prise du médicament (que le lien soit suspecté ou confirmé), dont la nature (inconnue jusqu’alors), la présentation, la fréquence ou la sévérité diffèrent de ce qui était déjà rapporté avec ce médicament. Ce signal, une fois confirmé devient une alerte. Détecter ces signaux, c’est tout l’enjeu de la pharmacovigilance.
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