4.4 Mélanges des genres

     

Un autre élément trivial renforce l’importance de la méthodologie dans l’évaluation des médicaments. En effet, il ne faut pas oublier que, sauf cas exceptionnel, le médicament est un objet commercial. Il est donc tout naturel que les fabricants fassent tout leur possible pour faire acheter leurs produits en s’appuyant sur des arguments commerciaux. La méthodologie permet de délimiter le champ des arguments possibles et d’éviter que ce produit particulier fasse l’objet d’une communication promotionnelle non fondée, voire même trompeuse. Ainsi, dans beaucoup de pays, la communication sur le médicament est strictement encadrée et doit s’appuyer sur des faits prouvés. Cependant, tout est fait pour optimiser la communication à l’intérieur de ces contraintes, compte-tenu des intérêts sous-jacents. Sans enfreindre les règles, une partie de la communication promotionnelle va alors s’appuyer sur des arguments litigieux du point de vue méthodologique. Un regard critique est de ce fait nécessaire.

La réalisation des essais par les industriels eux même (ou des sociétés sous contrat) est quelquefois vue comme un élément rédhibitoire pouvant compromettre la fiabilité des résultats produits. La méthodologie permet d’exclure cette éventualité dans le cadre des essais d’enregistrement. Si les principes méthodologiques sont correctement appliqués et réalisés, les résultats de l’étude ne peuvent être influencés sur le plan de leur validité. Quels que soient les intérêts des personnes impliquées, la méthodologie garantit que les résultats resteront inchangés. Ces considérations ont d’ailleurs prévalu lors de l’élaboration, au cours du temps, des principes de l’essai thérapeutique moderne. Les principes méthodologiques (associés au système d’assurance qualité et au monitorage qui vérifie qu’ils sont correctement appliqués) ont donc aussi cette vertu de rendre recevables les développements industriels.

Une partie de l’exigence d’un système assurance qualité dans les essais provient de l’histoire de l’essai UGDP [176 , 177 , 178] . L’essai UGDP (University Group Diabetes Program ) avait pour objectif de montrer que la baisse provoquée de la glycémie par un quelconque moyen médicamenteux dans le diabète de type 2 prévenait les évènements cardiovasculaires. Les résultats ont été publiés en décembre 1970 et ne montraient pas de réduction de la fréquence des évènements cardiovasculaires et même un effet délétère important du tolbutamide. Ces résultats ont alors conduit à une bataille scientifique, médiatique et judiciaire épique autour de la qualité des données et de la validation de la cause des décès.


L’influence des conflits d’intérêts n’est donc pas tant à craindre aux niveaux de la production des résultats que de la conception de l’essai en terme de pertinence du comparateur, du critère de jugement, de la définition de la population ciblée, du choix de faire un essai de non-infériorité à la place d’un essai de supériorité, de pertinence médicale de l’objectif, etc. [179] , toutes choses évaluables ensuite lors de l’interprétation de la publication. Par exemple, certains essais (appelé « seeding trials »), sous des apparences scientifiques, ont en réalité des objectifs purement marketing [180 , 181] .