3.4.3 La fraude et les essais zombies

     

Un autre phénomène a pris récemment de l’ampleur, la fraude scientifique avec la création de publications de A et Z, sans aucune donnée réelle à leur origine, y compris pour les essais thérapeutiques. Il y a ainsi création d’essais que l’on peut qualifier de « zombies » [142] . La fraude scientifique a toujours existé, mais elle était marginale et l’on ne se posait jamais la question de l’invention complète des données devant les papiers. L’ancien éditeur en chef du BMJ, Richard Smith, pense qu’il est temps (juillet 2021) de changer de point de vue devant l’augmentation de la fraude scientifique [143] et d’être plutôt systématiquement suspicieux jusqu’à preuve du contraire.

Cette fraude scientifique concernant la création de faux travaux de recherche est à distinguer de la fraude dans les essais cliniques multicentriques qui consiste à l’inclusion de faux patients dans l’essai par certains investigateurs indélicats. Cette fraude n’est pas le fait de l’investigateur principal mais conduit aussi à remettre en cause la réalité des résultats. Ces aspects sont pris en considération de manière standard dans les grands essais industriels à l’aide de différents moyens : bonnes pratiques cliniques, audits sur site de vérification des données saisies par rapport aux dossiers sources des patients, et, in fine, procédure de détection de suspicion de fraude lors de l’analyse [144] . Régulièrement des cas de fraude de ce type sont détectés et solutionnés en retirant le centre dans lequel la fraude a eu lieu. L’exclusion de ces patients ne pose pas de problème méthodologique, car il s’effectue non pas en raison des résultats, mais à la suite d’évènements externes (la détection de la fraude). La randomisation est en plus stratifiée presque toujours sur le centre. Ces exclusions ne remettent pas en cause la puissance statistique lorsque ces patients retirés auront été compensés par des nouveaux inclus dans les autres centres.

Dans l’essais ESPS-2 [145] , une suspicion de fraude fut détectée dans un centre. Tous les patients inclus dans ce centre furent retirés de l’analyse sans compromettre le résultat de l’essai [146] . Les opérations de ce type doivent cependant donner la garantie que l’exclusion de centres ne s’effectue pas en fonction des résultats.


Les premiers à être confrontés à ces essais « zombies », complètement inventés, sont les éditeurs des journaux scientifiques. Récemment la revue Anesthesia a quantifié l’importance de ce phénomène dans les soumissions de manuscrits qu’elle reçoit [142] et estime que les essais zombie représentent 8% des soumissions et que 14% contiennent probablement des fausses données.

Dans le domaine de la COVID, 3 situations de ce type ont défrayé la chronique : les études observationnelles publiées dans le Lancet [147] et le NEJM [148] et un essai randomisé de l’ivermectine [149 , 150] . La rétractation de ce dernier essai a entrainé en cascade la rétractation d’au moins une méta-analyse qui l’avait inclus [151] [152] , illustrant ainsi une nouvelle limite des méta-analyses statiques par rapport aux méta-analyses dynamiques en temps réel (« living meta-analysis » ).


L’impact est également important sur les méta-analyses. Il devient aussi important de procéder à une veille bibliographique pour intégrer les nouveaux essais que de surveiller les rétractations pour retirer des synthèses et autres méta-analyses les études rétractées qui auraient été retenues au moment de sa réalisation, et de modifier en conséquence les recommandations et les stratégies thérapeutiques correspondantes [153] [154] [155] .