2.1 Cas d’un essai non concluant (« négatif »)

     

Dans le cas d’un essai « négatif » (non concluant en raison d’un résultat non-significatif), il peut être tentant de conclure quand même à l’intérêt du traitement évalué, mais restreint à un type particulier de patients, car un résultat statistiquement significatif est obtenu dans le sous-groupe de ces patients. L’idée générale est de dire que le traitement ne « marche » pas chez tous les patients, mais seulement chez certains patients qui peuvent ainsi en bénéficier note n° 2 .

La problématique est que la multiplication des recherches d’effet et de signification statistique entraine une inflation considérable du risque alpha global. Les données sont découpées dans « tous les sens » jusqu’à l’obtention d’une différence significative.

Le fait que les sous-groupes soient prévus a priori ne change rien à la problématique, car il y a toujours multiplicité des comparaisons, certes moindre qu’en cas de « data dregging » extensif comme évoqué précédemment, mais qui induit toujours une inflation du risque alpha global. De plus il n’est jamais spécifié à priori dans quel sens la modification de l’effet dans ces sous-groupes est attendue. Or les fluctuations aléatoires peuvent conduire à une fausse découverte soit dans le sens de la supériorité soit dans celui de l’infériorité. Comme nous le verrons plus loin, la solution est d’intégrer les analyses en sous-groupes dans un le plan de contrôle strict du risque alpha global (cf. section 6).

La Figure 3 illustre cette problématique. Un essai de 2400 patients simulé avec un traitement réellement sans effet (ratio des risques de 1), est divisé en 12 parties distinctes de manière purement aléatoire. Il n’y a donc aucune raison déterministe que l’effet du traitement soit différent entre ces sous-groupes. Le résultat global de l’essai reflète bien la réalité de l’effet avec un risque ratio observé de 0.96, non significatif. Mais il est possible de conclure à la supériorité du traitement avec le résultat du sous-groupe 10 et aussi à un effet délétère pour le sous-groupe 5 (pour les effets délétères, la signification statistique n’est pas obligatoire pour conclure, car le raisonnement se base sur le principe de précaution, cf. section 8).

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Figure 3 – Visualisation des fluctuations aléatoires et de l’inflation du risque alpha ainsi induit par la subdivision en 12 parties de manière complètement aléatoire d’un essai simulé avec un traitement sans effet

Cette problématique disparait quand les analyses en sous-groupe sont intégrées dans le plan de contrôle strict du risque alpha global et on fait l’objet d’un calcul d’effectif spécifique. Leurs résultats sont alors décisionnels. Sans cette approche, les sous-groupes ne peuvent servir qu’à évaluer la généralisabilité du résultat de l’essai à l’ensemble des sous types de patients inclus dans l’essai avec l’aide exploratoire du test d’interaction.

Actuellement, ces limites méthodologiques sont de moins en moins prises en considération en dehors des cercles centrés sur la méthodologique, les statistiques et la régulation [3] . Une grande partie des résultats discutés dans les congrès médicaux par exemple sont issus de sous-groupes, en particulier dans l’optique de chercher à « personnaliser » au mieux les traitements (médecine de précision). Dans ces discussions les conséquences des décisions prises à tort, dû fait du hasard, ne sont en général pas considérées.

Dans un essai « négatif » (non concluant), les sous-groupes ne permettent pas de conclure à l’effet du traitement pour un sous-type de patients particulier, car il existe une inflation du risque alpha global lié à la multiplicité des comparaisons induites par les sous-groupes (souvent plusieurs dizaines, voire centaines).


[2] Cependant, lors de la conception de l’étude, les patients à inclure dans un essai ont été soigneusement déterminés en considérant qu’ils étaient tous susceptibles de bénéficier du traitement, et cela en se basant sur ce qui est connu de la physiopathologie et de la pharmacologie. Après avoir obtenu les résultats, partir à tâtons dans les analyses en sous-groupe pour celui des patients bénéficiant du traitement sera donc une démarche complètement exploratoire, non basée sur des hypothèses anticipées et post-hoc.