7 Analyse en sous-groupe et prise de décision

     

Les problématiques statistiques des sous-groupes et le risque inhérent de fausses découvertes font qu’en théorie les résultats des sous-groupes note n° 5 ne permettent pas de modifier la pratique.

Ce principe est en pratique assez bien respecté lorsque l’essai est négatif. Il n’y a pas d’exemple récent où un traitement a été adopté uniquement sur la base d’un résultat de sous-groupe alors que l’essai était négatif. Les tentatives sont nombreuses (quasiment systématique avec tous les essais négatifs [16] ), mais ne débouchant sur aucune prise de décision en faveur du traitement.

Cependant, la situation est plus complexe quand il s’agit d’un sous-groupe suggérant l’absence de bénéfice dans un essai concluant par lui-même. En effet, dans le cas d’un essai concluant, la décision d’exclure de l’indication d’un traitement certains patients, à la suite d’un résultat de sous-groupe non en faveur du bénéfice, est lourde de conséquences. Compte tenu des limites des sous-groupes cette exclusion peut être faite à tort et conduit à une perte de change pour les patients. En fait il existe plusieurs cas de figure.

Un premier essai du gefitinib dans le cancer du poumon [17] a obtenu un résultat statistiquement significatif, mais avec des courbes de survie qui se croisent. Les croisements dans les courbes de survie sont entre autres évocateurs d’un mélange de population répondant de manière opposée au traitement (interaction forte), une recherche d’explication a été entreprise par des analyses en sous-groupe. Dans l’analyse en fonction de la mutation du récepteur EGFR note n° 6 , un résultat en défaveur du gefitinib a été trouvé chez les patients sans mutation de l’EGFR (HR 2.85), tandis que le bénéfice du produit était retrouvé chez les patients mutés (HR 0.48).

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Comme cette analyse était purement exploratoire et qu’un risque de fausse découverte n’était pas exclu, il était difficile de recommander le gefinitib chez les patients mutés sans plus de preuves. Pour confirmer cette nouvelle hypothèse (le gefitinib n’est efficace que chez les EGFR mutés) un autre essai a été entrepris et a obtenu un résultat positif [18] .


La démarche a été vertueuse et en accord avec les principes habituels d’utilisation des résultats de sous-groupe : l’analyse en sous-groupe a bien était considérée comme exploratoire. Elle a généré une nouvelle hypothèse qui a été confirmée dans de nouvelles études avant la prise de décision.

Le premier cas de figure est le plus simple. Un hazard ratio proche de 1, non nominalement significatif est observée dans un sous-groupe, mais aucune interaction significative n’est détectée. Il ne peut donc pas être considéré qu’il y a modification de l’effet traitement. Il n’y a pas lieu de considérer que l’effet du traitement dans ce sous-groupe est différent de l’effet global. Comme cet effet est démontré il n’y a pas lieu de suivre le résultat du sous-groupe et d’exclure ces patients de l’indication.

En revanche si une forte interaction est détectée il n’est plus possible de récuser le résultat du sous-groupe aussi clairement. Il n’est pas possible n’ont plus d’affirmer que le traitement ne marche pas dans ce sous-groupe, car les problématiques statistiques liées à la multiplicité : inflation du risque beta, diminution de la puissance et risque de fausse découverte persistent.

Le fait de trouver, a posteriori, une explication biologique ou pharmacologique à ce résultat n’est pas non plus une preuve en soit, car cette explication est élaborée de manière post hoc. Or compte tenu de la complexité des mécanismes sous-jacents il est presque toujours possible d’expliquer tout et son contraire a posteriori (cf. dossier 4).

Ce point illustre l’importance que les sous-groupes reposent sur une hypothèse formulée a priori de modification de l’effet du traitement, formulée à partir des mécanismes ou d’autres connaissances (résultats exploratoires d’études précédentes) disponibles a priori. Cette hypothèse permettant aussi de prévoir le sens de l’interaction [2 , 19] . Dans cette situation, les résultats des sous-groupes s’inscriront dans un cadre hypothético-déductif et auront une valeur certaine, même s’ils ne sont pas inclus dans le plan de contrôle du risque alpha global. Cependant si un tel raisonnement a priori débouche sur la possibilité que le traitement ne puisse pas apporter de bénéfice à certains patients, il est probable que ces patients ne seront pas inclus dans l’essai. Ce point montre bien le côté complètement inattendu des résultats des sous-groupes et explique aussi pourquoi, il faut considérer, a priori, les absences de bénéfice dans un sous-groupe comme une découverte fortuite artéfactuelle. Les prendre en considération reposera sur un raisonnement purement inductif.

La prise de décision de réaliser un nouvel essai pour démontrer l’hypothèse générée par ce résultat de sous-groupe n’est pas simple non plus : il s’agirait de faire un nouvel essai pour démontrer l’absence de bénéfice !

De nombreuses techniques avancées [20] ont aussi été proposées dans le cadre de la médecine personnalisée en remplacement des analyses en sous-groupes traditionnelles pour rechercher les facteurs d’hétérogénéité des effets traitements. Ces approches ne sont pas encore utilisées dans les essais de phase 3. Elles sont donc, pour cette raison, en dehors du champ de ce document.


[5] ordinaires

[6] La valeur prédicatrice de l’efficacité de la mutation du récepteur n’était pas connue à l’époque. C’est cette étude qui l’a suggérée.