Dossier 1 – La démarche hypothético-déductive et les résultats post hoc

1 Introduction

2 Essai thérapeutique et démarche hypothético-déductive

3 Essai de confirmation et essai exploratoire

4 Raisonnement inductif / déductif

5 Illustration des limites du raisonnement inductif en évaluation des thérapeutiques

6 . Évaluation de la sécurité d'un traitement

Références

PDF

5 Illustration des limites du raisonnement inductif en évaluation des thérapeutiques

     

La publication en 2009 de essai ABCSG-12 [1] conclu à un effet « anti-cancer de l’acide zolédronique » dans le cancer du sein pré ménopausique en traitement adjuvant.

CONCLUSIONS The addition of zoledronic acid to adjuvant endocrine therapy improves disease-free survival in premenopausal patients with estrogen-responsive early breast cancer.

Cet effet est proclamé sur la base d’un effet statistiquement significatif observé sur la disease free survival (DFS) avec l’acide zolédronique par rapport au groupe contrôle :

IMG

Ce résultat peut paraitre surprenant, car l’acide zolédronique est principalement connu pour ses propriétés sur l’os et son bénéfice dans le traitement de l’ostéoporose. Qu’il puisse prévenir les récidives de cancer du sein n’est donc pas naturellement attendu. Ainsi pour changer les pratiques à partir de cette amélioration de la DFS observée il va être nécessaire que cet essai ait fait a priori l’hypothèse d’un effet anticancer, par exemple à partir de résultats fondamentaux. Cela semble bien le cas puisque l’on trouve la justification suivante dans l’introduction de l’article :

Emerging evidence suggests that zoledronic acid also has antitumor and antimetastatic properties, including the inhibition of angiogenesis, tumor-cell invasion, and adhesion in bone; the induction of apoptosis; antitumor synergy with cytotoxic chemotherapy; and immunomodulatory effects through induction of γ / δ T cells. 18-22

These findings were the background and rationale for the Austrian Breast and Colorectal Cancer Study Group trial 12 (ABCSG-12), which was designed to evaluate the efficacy of 3 years of treatment with ovarian suppression plus anastrozole or tamoxifen with or without zoledronic acid in premenopausal women with early breast cancer.

Les références citées pour ces mécanismes cellulaires sont des publications de 2007-2008 et il semble donc que l’hypothèse a été générée a priori à partir de références antérieures à l’essai (l’essai ABCSG-12 a été publié en 2009).

14. Bundred NJ, Campbell ID, Davidson N, et al. Effective inhibition of aromatase inhibitor-associated bone loss by zoledronic acid in postmenopausal women with early breast cancer receiving adjuvant letrozole: ZO-FAST Study results. Cancer 2008;112: 1001-10.

15. Brufsky A, Harker WG, Beck JT, et al. Zoledronic acid inhibits adjuvant letrozoleinduced bone loss in postmenopausal women with early breast cancer. J Clin Oncol 2007;25:829-36.

Mais il apparait quand même difficile qu’un essai construit à partir d’informations disponibles au plus tôt en 2007, puisse être publié en 2009 compte tenu de la durée de suivi des patients nécessaire. Et ce n’est effectivement pas le cas, car le recrutement de l’essai a débuté en 1999 :

A total of 1803 patients were enrolled between 1999 and 2006

Il apparait donc, à ce stade de la lecture, que les références utilisées pour justifier l’éventuelle hypothèse de l’étude ont été produites en même temps que le résultat mis en avant, ce qui invalide la démarche hypothético-déductive. De plus, dans le protocole et le plan d’analyse statistique il apparait que l’objectif initial concernant l’acide zolédronique était la prévention de la perte osseuse induite par les autres traitements (goserelin et tamoxifen versus goserelin et anastrozole) évalués dans cet essai en plan factoriel.

IMG

Ainsi lors d’une analyse non prévue de l’effet de l’acide zolédronique sur la DFS un résultat significatif est fortuitement découvert. Ce résultat est par nature post hoc, exploratoire. L’article est ensuite écrit pour faire passer ce résultat comme de nature hypothético-déductive en formulant de manière post hoc l’hypothèse correspondante et en la justifiant avec des études fondamentales postérieures au début de l’étude. Malgré cette réécriture, ce résultat n’est donc pas une démonstration du bénéfice sur la DFS de l’acide zolédronique et n’est que purement exploratoire. Cette situation n’a pas été perçue par la communauté et ce traitement commencé à se généraliser avec cet objectif de prévenir la récidive (il est aussi utilisable pour prévenir les évènements osseux en cas de cancer avancé).

L’aspect exploratoire de ce premier résultat a cependant été perçu par une équipe nord-américaine qui a mis en place l’essai AZURE [2] pour confirmer l’hypothèse générée par la première étude :

BACKGROUND: Data suggest that the adjuvant use of bisphosphonates reduces rates of recurrence and death in patients with early-stage breast cancer. We conducted a study to determine whether treatment with zoledronic acid, in addition to standard adjuvant therapy, would improve disease outcomes in such patients.

Cette étude parfaitement hypothético déductive n’a pas pu confirmer le résultat montrant bien le risque de conclure sur l’efficacité  d’un traitement à partir de résultats purement exploratoires.

IMG