Dossier 14 – Les essais adaptatifs

1 Introduction

2 Problématiques méthodologiques

3 Etudes de cas

4 Méta-recherche

5 Conclusion

Références

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2 Problématiques méthodologiques

     

La flexibilité des essais adaptatifs ne doit pas compromettre la validité et l’intégrité des résultats. En effet, les adaptations réalisées en cours d’étude ne peuvent pas être déterminées arbitrairement, mais en fonction de règles et de méthodes préétablies. Par définition, un essai adaptatif prévoit la possibilité et les modalités d’adaptation a priori ; il ne s’agit pas d’une modification substantielle du protocole apportée en cours d’étude. Il est donc essentiel de fournir suffisamment de détails sur le type d’adaptation et les méthodes utilisées (types d’analyses intermédiaires, définition des règles d’arrêt, méthodes statistiques utilisées) avant le début de l’étude.

Les essais adaptatifs s’appuyant sur l’utilisation de données accumulées au cours de l’étude elle-même, ils impliquent fréquemment des analyses intermédiaires. L’une des principales problématiques méthodologiques qui en découle est la gestion de la multiplicité des comparaisons , avec l’augmentation du risque de conclure à tort à l’intérêt du traitement (erreur de type I). Dans les essais séquentiels en groupes, qui comportent une ou plusieurs analyses intermédiaires, si le seuil de risque de 5% classiquement retenu est utilisé pour chaque analyse, le risque global dépassera ce seuil. Le seuil de significativité retenu pour chaque analyse doit ainsi être ajusté pour préserver un risque global acceptable. Différentes approches ont été proposées, plus ou moins conservatrices sur les probabilités d’arrêt précoce du traitement :

  • La méthode de Pocock utilise un seuil constant à chaque analyse. Elle expose à un risque élevé d’arrêt prématuré.
  • La méthode de O’Brien et Flemming est couramment utilisée car elle a un impact faible sur l’effectif global. En revanche la probabilité d’arrêt précoce est plus faible, ce qui dans certaines situations (comme les essais plateformes, où plusieurs traitements sont en concurrence), peut être jugé trop conservateur.
  • La méthode de Lan et DeMets généralise cette approche en utilisant une fonction de consommation du risque alpha au cours du temps. Elle est plus flexible et permet des analyses « flottantes », basée sur une fraction d’information non définie a priori . Ainsi, ni le nombre d’analyses intermédiaires ni le moment de leur réalisation nécessitent d’être fixés à l’avance. Elle s’affranchit ainsi des contraintes logistiques liées au gel partiel de la base de données à un instant précis.

Notons que l’utilisation de ces seuils peut avoir pour finalité d’évaluer la supériorité et/ou la futilité. Le gain en termes de flexibilité (en l’occurrence la possibilité d’arrêter l’essai plus précocement) se fait au détriment d’une légère augmentation du nombre total de patients à inclure, qui s’explique par la multiplicité des comparaisons. Dans le cas des règles d’arrêt pour futilité, on distingue deux situations : en l’absence d’engagement sur l’arrêt de l’essai (nonbinding stopping rules ) le comité de pilotage de l’essai peut décider de poursuivre l’étude même si les critères d’arrêt pour futilité sont satisfaits. Cette approche est plus flexible que les règles avec engagement d’arrêt (binding ), au détriment là encore d’une légère augmentation de l’effectif total.

Pour les designs d’enrichissement, qui peuvent se baser sur l’utilisation d’un biomarqueur, il est impératif que celui-ci soit déterminé a priori, ou si c’est en cours d’essai que son utilisation ne soit pas motivée par les données de l’essai [3] .

Notons que certaines méthodes adaptatives sont non comparatives, elles n’auront donc pas d’impact sur le risque d’erreur de type I. Il s’agit par exemple de la ré-estimation du calcul du nombre de sujets basée sur la variance du critère de jugement principal recueilli dans l’étude, sans levée d’aveugle, ou encore la valeur pronostique d’un biomarqueur pour les designs d’enrichissement.

Un autre aspect essentiel des essais adaptatifs est de maintenir l’intégrité de l’essai, alors que l’accès à une partie de l’information est nécessaire pour effectuer les adaptations prévues. Aux problématiques méthodologiques énoncées ci-dessus s’ajoutent donc des contraintes logistiques visant à garantir :

  • L’obtention de données de bonne qualité pour la réalisation des analyses intermédiaires, au moment où celles-ci sont prévues.
  • Une restriction de l'accès aux résultats intermédiaires comparatifs (particulièrement aux personnes directement impliquées dans la conduite de l’essai).

Les moyens mis en œuvre peuvent parfois être complexes et ajouter des coûts à l'essai.