Dossier 7 - Les surrogates endpoints

1 Introduction

2 L’association entre critère intermédiaire et critère clinique ne fait pas un surrogate

3 Validation d’un surrogate

4 Extrapolabilité

5 Situation actuelle, méta-épidémiologie

6 Conclusion

Références

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2 L’association entre critère intermédiaire et critère clinique ne fait pas un surrogate

     

L’existence d’une association entre un critère intermédiaire (biomarqueurs) et un critère clinique (décès, évènement) n’est pas suffisante pour faire de ce critère intermédiaire un surrogate. Cette association (lien épidémiologique) ne garantit pas par définition d’une modification provoquée du critère intermédiaire par le traitement se traduit par un bénéfice proportionné au niveau du critère clinique. Cette association démontre seulement la valeur pronostique du critère intermédiaire. Dans le jargon des méthodes de validation des surrogates elle est dénommée « subject level correlation » .

En effet, par définition, une association de ce type montre qu’il existe une relation statistique à travers les patients entre les valeurs du critère intermédiaire (par exemple la pression artérielle systolique) et celles du critère clinique (par exemple la probabilité de faire un AVC à 5 ans). Plus un sujet a une valeur élevée (ou l’inverse) au niveau du critère intermédiaire, plus il est probable, en moyenne, qu’il aura une valeur élevée sur le critère clinique (d’où l’appellation de subject level correlation ).

La définition du surrogate se réfère quant à elle à une association entre les effets traitements et non pas entre les critères. Comme les effets traitements ne peuvent être mesurés qu’à l’aide d’un essai, cette association sera dénommée « trial level correlation » (cf. section 3.1).

Sur ce point, il est souvent assez difficile de comprendre pourquoi une telle relation épidémiologique ou pronostique n’est pas suffisante. Intuitivement, on imagine assez facilement que si un paramètre est fortement associé avec la survenu des événements cliniques, une amélioration de ce paramètre entrainera forcément une réduction de la fréquence des événements cliniques. Cette difficulté provient le plus souvent d’un biais cognitif qui fait de cette association une relation causale réversible. Et en effet, si ce paramètre est la cause unique et directe des événements ce raisonnement se tient. Mais il est aussi possible d’obtenir une telle association entre le paramètre et la survenue des événements sans que ce paramètre d’intérêt soit la cause directe et unique (cf. section suivante). Dans ce cas, une amélioration provoquée du paramètre n’aura pas de conséquence sur la survenue du critère de jugement car elle ne correspondra pas à un changement au niveau de la réelle cause des événements. Comme il existe de nombreux contre-exemples de ce type, cette simple association ne permet pas de conclure avec certitude que le paramètre est un vrai surrogate.

Le taux de HDL cholestérol est un facteur de risque protecteur de la survenue des événements cardiovasculaires et la mortalité cardiovasculaire comme le montre de nombreuses études épidémiologiques [3][4].

Les inhibiteurs de la CETP (cholesteryl ester transfer protein) comme le torcetrapid entraine une augmentation notable du HDL cholestérol (et une diminution du LDLD cholestérol). Dans l’essai ILLUMINATE [5] du torcetrapid une augmentation de 72.1% du HDL cholestérol a été obtenu à 12 mois mais cela s’est traduit par une augmentation des événements cardiovasculaires (hazard ratio 1.25 [1.09 ; 1.44] et des décès de toutes causes (HR 1.58 [1.14 ;2.19]).


Le fluorure de sodium stimule la formation osseuse et accroit la densité osseuse. En raison de ces effets, il a été envisagé comme traitement préventif de l’ostéoporose de la femme ménopausée. Dans un essai randomisé[6] contre placebo réalisé chez 202 femmes ménopausées et suivies pendant 4 ans, le fluorure de sodium augmente la densité osseuse de la colonne lombaire de façon hautement significative (p<0,001). Cependant, des nouvelles fractures vertébrales surviennent plus fréquemment sous fluorure de sodium que sous placebo (163 comparé à 136) ainsi que des fractures non vertébrales (72 versus 24, p=0,01). Cet essai conclut que la forme de fluorure utilisé augmente certains aspects de la densité osseuse, mais rend les os plus fragiles. L’utilisation de la densité osseuse comme critère de substitution n’aurait pas permis de mettre en évidence ces effets délétères qui enlèvent pourtant tout intérêt au traitement.


Ainsi, tous facteurs pronostiques ou facteurs de risques n’est pas de-facto un surrogate pour l’évaluation des traitements. Les surrogates doivent vérifier des propriétés qui leur sont propres et qui vont au-delà de la simple association statistique critère intermédiaire – critère clinique.

Parfois, un effet pharmacologique est considéré comme étant un surrogate à partir du moment où il existe un essai clinique qui a montré un bénéfice sur le critère clinique avec une molécule produisant cet effet pharmacologique [7]. Par exemple, comme les essais des statines montrent une réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire et que les statines entrainent une baisse du LDL cholestérol, le LDL est un surrogate des événements cardiovasculaires. Ce raisonnement ne peut pas être retenu par manque de représentativité (est-ce que toutes les molécules de différentes classes produisant cet effet pharmacologie ont conduit à un bénéfice sur le critère clinique ?) et en raison de nombreux facteurs de confusion possibles (bénéfice apporté par un autre mécanisme que l’effet pharmacologique considéré). De nombreux contrexemples existent de molécules ayant échoué à montrer un bénéfice clinique alors qu’elles produisent le même effet pharmacologique que d'autres molécules ayant, quant à elles, parfaitement démontré un bénéfice clinique (comme les exemples de la niacin, du fluorure de sodium développés précédemment).