7 Variation de la balance bénéfice risque dans les strates de patients

     

La balance bénéfice risque d’un même médicament peut être variable en fonction du groupe (de la strate) de patients. En effet, les nombres d’évènements évités ou induits pour un même nombre de patients traités vont varier en fonction du risque de base [45 , 46 , 47 , 47 , 48] . Pour une même réduction relative, le nombre d’évènements évités sera d’autant plus élevé que le risque de base est important [49 , 50] . Si le risque de base d’évènement indésirable ne change pas avec le risque de base de l’évènement que le traitement cherche à éviter, la balance bénéfice risque sera plus favorable chez les patients à haut risque que chez les patients à bas risque. Cette propriété arithmétique fait que la balance bénéfice risque d’un traitement qui globalement n’est pas favorable peut le devenir dans une sous population à haut risque comme l’illustre l’exemple numérique présenté dans le tableau ci-dessous.

Patients tous venants

Sous population à haut risque

Efficacité

Risque de base

5%

20%

Risque relatif

0.80

0.80

Risque sous traitement

4%

16%

Différence des risques

-1%

-4%

Safety

Risque de base

2%

2%

Risque relatif

2.00

2.00

Risque sous traitement

4%

4%

Différence des risques

+2%

+2%

Bénéfice net

+1%

-2%

Historiquement, cette approche a été illustrée par la question du traitement anticoagulant dans la fibrillation auriculaire en montrant que la décision de recourir à un anticoagulant devait se baser sur le nombre de facteurs de risque d’AVC ischémiques (ou d’un autre outil prédictif du risque d’AVC ischémiques), dans le but de n’exposer les patients au risque hémorragique que si leur propre risque d’AVC est suffisamment important [49 , 51] . L’existence d’un seuil de décision [50] apparait sur le graphique ci-dessous au niveau de risque où le nombre d’AVC évités devient supérieur au nombre d’AVC hémorragiques induits par le traitement anticoagulant.

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L’essai ASCEND a évalué l’aspirine versus placebo en prévention primaire des évènements cardiovasculaires chez les personnes diabétiques [2] . Les résultats obtenus montrent une balancé bénéfice risque défavorable quantitativement. Il a ensuite été procédé à une analyse en fonction du risque de base (figure ci-dessous) qui ne montre pas d’amélioration de cette balance chez les patients à haut risque.

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Cette approche est uniquement basée sur des propriétés arithmétiques de l’évolution des différences de risque en fonction du risque de base et ne dépend d’aucune autre hypothèse. Elle ne pose pas de problème de validité si ce n’est celle de la validité de l’outil utilisé pour prédire le risque de base [52] . Il faut à ce niveau remarquer que les outils prédictifs, même s’ils sont très fréquents dans la littérature, ne donnent que rarement toutes les garanties de validité nécessaire pour guider cette démarche. En particulier, la question de leur calibration, qui n’est pas centrale lorsqu’ils sont utilisés pour faire de la stratification, devient cruciale dans cet exercice de prédiction de la balance bénéfice risque. Le manque de validé de ces outils sur ce point conduit à des prises de décision individuelles non fondées, potentiellement dommageables pour les patients.

L’utilisation de cette propriété arithmétique est à distinguer des simples analyses en sous-groupe réalisées au sein d’un essai dont les résultats globaux ne sont pas en faveur d’une balance bénéfice risque favorable. Ces analyses cherchent alors si des variables ne modifieraient pas l’effet des traitements et, de ce fait, la balance bénéfice risque. Cette approche est purement exploratoire et ne peut être que générative d’hypothèse. Elle ne permet de baser les pratiques en raison des limites habituelles des analyses en sous-groupes (exploratoires, absence d’hypothèse, post hoc, inflation du risque alpha et beta, etc.).

Dans l’essai TRITON [21] du prasugrel pour le traitement initial des syndromes coronariens aigus, la balance bénéfice risque n’apparait pas favorable en raison d’un surcroit important d’hémorragies graves (y compris mortelles). La publication propose une analyse en sous-groupe à la recherche d’une sous population où la balance bénéfice risque (mesurée par un critère composite de bénéfice clinique net) deviendrait favorable.

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Ces résultats suggèrent une interaction entre les antécédents d’AVC et l’efficacité du prasugrel, sans grande modification du surrisque hémorragique. Cette modification d’effet pouvant peut-être conduire à une balance bénéfice risque potentiellement favorable chez les patients sans antécédents, suggérée par une réduction du critère composite de bénéfice net possiblement de 16% (hazard ratio 0.84).

Cette analyse étant purement post-hoc, elle ne constitue pas un argument suffisamment fiable pour positionner ce produit dans la stratégie thérapeutique chez ces patients.